Un petit garçon fracassé

Paul COLIZE, Toute la violence des hommes, Hervé Chopin, 2020, 318 p., 19 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2357205253

colize toute la violence des hommes couverturePaul Colize nous ouvre les portes d’un monde qui nous touche dans notre quotidien, un monde qui parfois nous choque, nous rebute, qu’on déteste … ou qu’on admire. Le monde des graffeurs, ces peintres qui peuvent être de génie, maîtres ès décoration, graffitis et autres trompe-l’oeil.

Mais le propos de l’écrivain est bien plus vaste et profond.

Nikola Stankovik, d’origine croate, graffeur de génie, œuvre la nuit, dans Bruxelles ; il couvre d’immenses murs très difficiles d’accès de fresques monumentales traduisant un esprit torturé. Lorsque Nikola se retrouve en prison, soupçonné d’un crime odieux qu’il nie avoir commis malgré les preuves évidentes de sa présence sur les lieux, son monde va entrer en collision avec celui de Pauline Derval. Psychiatre, directrice de l’EDS (Établissement de Défense Sociale), celle-ci va accueillir Nikola au sein de son établissement afin de l’observer. In fine, elle devra décider si le Croate est ou non un aliéné perturbé. L’équation est simple : s’il est jugé fou, il passera le reste de sa vie dans un asile psychiatrique, s’il est jugé responsable de ses actes et reconnu coupable, il risque de faire quelques années en prison avant d’être relâché.

 

 

C’est dire combien la responsabilité de Madame Derval est grande. Sous des dehors rigides, ultra professionnels, Pauline Derval cache une grande sensibilité et beaucoup d’empathie. Elle entre bien entendu en contact avec Philippe Larivière, l’avocat de Nikola. Une complicité va peu à peu s’établir entre eux : tous les deux sont animés par un idéal humaniste, tous les deux aiment la vérité et la justice. Ensemble, ils vont travailler à démêler l’écheveau des faits et à comprendre la psychologie complexe de Nikola, cet écorché vif qui ne les aide pas beaucoup à appréhender ce qu’il a vécu.

Paul Colize construit admirablement le récit de Toute la violence des hommes. Passé et présent se succèdent en chapitres clairs et courts. Le fait, pas si rare d’ailleurs, que le lecteur en sait parfois bien plus que les enquêteurs n’enlève rien à l’intérêt de l’intrigue, par ailleurs menée tambour battant.

L’auteur parvient également à rendre très vivante l’histoire épouvantable des Croates assiégés dans Vukovar par les milices serbes, pendant 87 jours, en 1991. Le château d’eau de Vukovar, par exemple, qui est toujours préservé aujourd’hui en souvenir de la bataille, joue d’ailleurs un rôle non négligeable dans le récit.

Ce côté réaliste constitue aussi une des grandes forces du livre. Les fresques dont Paul Colize nous livre une description fort précise existent réellement dans les rues de Bruxelles. Ceci ajouté à une intrigue vivante et passionnante devrait réjouir tous les lecteurs appréciant une histoire bien construite et savamment menée.

Étienne Croegaert