Un chapelet coloré d’instants

Soline DE LAVELEYE, Brindilles, Cormier, 2019, 14 €, ISBN : 978-2-87598-018-2

Au fond, je n’écris pas.
Je balance entre l’oubli et le désir
de vivre. 

Dans Brindilles, les jours s’égrènent en un chapelet d’instants. À l’écoute des bruits du monde, des oiseaux ou des souvenirs qui habillent les heures, Soline de Laveleye, auteure des ouvrages La chambre (Tétras Lyre, 2011), La grimeuse (M.E.O., 2013), Les phrases de la mâcheuse (Maelström, 2014) et remarquée par l’AEB qui lui a décerné le Prix Hubert Krains en 2017, délivre son recueil Brindilles, aux Éditions Le Cormier.

Lapées délicates, foulées calligraphes,
morsures chirurgicales,
vos traces sont plus sûres
que toutes mes tentatives
d’apprivoiser le monde. 

Divisé en plusieurs sections dont, par exemple, « glaner », « gratter », « souffler », Brindilles tente d’approcher le monde par le biais de l’enfance ou de la nostalgie. Faisant la part belle à la musique, notamment le rock, le recueil aménage toutefois une place pour la contemplation silencieuse des instants colorés qui composent le quotidien : « Alors de même : effranger les drapeaux les écrans rouler les phrases les tapis les non et les oui se taire, se taire et laisser / au silence un cœur qui palpite. » Brindilles est un recueil doux, agréable, qui n’a d’autre prétention que de frayer, dans les « jours d’insignifiance », un chemin pour le devenir-grand. En lisant, nous nous prenons à rêver, de la même manière que nous glanerions quelques feuilles mortes en marchant dans la forêt, en veillant à « […] s’accroupir au plus noir de la terre et tendre l’oreille. »

La dimension du souvenir et de la mémoire occupe une place importante au sein du recueil : ils apparaissent comme l’épaisseur donnée à l’être-là, à l’instant même ; ils les doublent d’une certaine densité et d’une réflexion non négligeable sur l’importance que nous donnons à notre présence.

À ce titre, on regrettera quelques passages européanocentrés, comme celui-ci : « Sur le fauteuil rouge, la femme écrit (une blanche) / dans le couloir vert, la femme balaie (une noire) / trois temps et un soupir / la partition d’un monde […] », qui véhiculent certains clichés tenaces que les luttes collectives s’emploient à terrasser. Si, en l’occurrence, le passage susmentionné peut être porté au compte d’un malheureux hasard (la métaphore filée de la couleur et la référence aux notations de solfège est patente), la récurrence, dans le recueil, de la figure de l’ « Indien » qui vient s’y ajouter tend à confirmer cette réserve.

Dans Brindilles, les jours s’égrènent en un chapelet d’instants. Nous glanons ces « brindilles » – par essence insignifiantes – et, avec la poétesse, nous soufflons doucement sur le feu dans l’âtre, en nous réchauffant au gré des poèmes.

Ce que je cherche ?
Fredonner quelque chose, en mineur par exemple
– un air
qui vous aille,
en trois langues plutôt qu’une,
vers le cœur. 

Charline Lambert