Écoute le chant de l’oiseau

Caroline BOUCHOMS, Cheveux Rouges, Coudrier, 2020, 143 p., 20€, ISBN : 978-2–39052-005-4

Cheveux rouges est un recueil de fragments d’une jeune narratrice qui vit dans une roulotte où elle s’est aménagé un atelier, protégée par son phénix. Elle nous raconte son quotidien avec sa grand-mère préférée, Nina, avec qui elle aime parler d’amour autour d’un gâteau. Le lien tendre et fort qui les unit ne fait aucun doute.

J’ai écrit, c’est ma grand-mère préférée. Elle est trois fois plus vieille que moi, je suis deux fois plus grande qu’elle… Un grand poussin dans les bras d’une petite chouette ! J’ai pas écrit ça, j’ai écrit, c’est vrai qu’elle est très petite, un mètre quarante-huit, mais quand elle déploie ses ailes, elle devient comme un immense oiseau qui vous protège.

Nina était une résistante juive lors de la seconde guerre mondiale. Elle transmet des morceaux de son histoire à sa petite-fille avec des mots adaptés : elle voulait « libérer le monde des monstres » et seul l’amour pouvait y parvenir.

Pendant huit ans, la jeune fille note dans un carnet violet les conversations avec sa grand-mère et les illustre avec des croquis. Juste avant de s’en aller, Nina demande à sa petite-fille de faire quelque chose de toutes ses notes. Elle lui confie des journaux, des témoignages, des photos d’Auschwitz et des DVD où elle est interviewée. Lorsque Nina a rendu son dernier souffle, la jeune femme se lance alors dans la rédaction du témoignage de sa grand-mère, traversant les difficultés du processus d’écriture et s’interrogeant sur le monde.

Ça me rappelle quand j’étais là-bas en Afrique, au Rwanda !
Des grands trous dans la terre…
Dedans, des centaines de corps entassés les uns sur les autres.

Je regarde la photo de Nina, je lui dis,
Nina, est-ce que ça s’arrêtera un jour toutes ces horreurs ?

Silence.

Dans ma tête, pas un mot.
Il fait froid dans mon cœur.

Caroline Bouchoms nous donne à lire un récit illustré pour les petits et les grands. Avec un style minimaliste et pudique, nous entendons la voix d’une enfant qui comprend le traumatisme de sa grand-mère à travers une sensibilité très sensorielle et imagée.

Le dessin d’une souris ?!!!

J’hésite.

Je n’aimerais pas qu’on croie que Nina devient vraiment une souris.

Un post-it !

J’écris dessus :

C’est pas une vraie souris. La souris, c’est l’image d’un sentiment.
Nina a si peur qu’elle devient si petite si petite, qu’elle devient invisible.
Ce serait mieux de dessiner Nina qui veut se rendre invisible…

Les illustrations du carnet violet sont placées à la fin du récit et nous plongent dans l’univers de la jeune narratrice, qui a bien figuré l’emprisonnement de Nina à travers de nombreuses diagonales noires créant une atmosphère oppressive.

Cheveux rouges a été présenté au Théâtre des Doms à Avignon en juillet 2013 et a fait l’objet d’un spectacle au Théâtre National Wallonie-Bruxelles quelques mois plus tard. Il a en outre été présenté aux rencontres de Huy en 2014.

Séverine Radoux