Carino BUCCIARELLI, Singularités, Herbe qui tremble, 2020, 127 p., 15 €, ISBN : 2-491462-01-7
[…] nous habitons nous-mêmes
notre langage
partageant avec la faune de notre verbe
des chambres glacées
où des miracles se produisent
Le titre du recueil Singularités de Carino Bucciarelli (éditions L’herbe qui tremble) fait d’emblée écho à la notion de « singularité » développée par Stephen Hawking. L’exergue du recueil, qui explicite cette notion et confirme cet écho, indique que c’est bien à l’aune de l’infiniment petit et de l’infiniment grand que les poèmes seront appréhendés. Singularités est formé de trois sections différentes, intitulées « Quelques visages », « Dix étincelles » et « Couleurs inouïes ». Carino Bucciarelli précise, dans l’avant-propos, d’où émanent certaines de ces parties et ajoute : « j’aimerais qu’on retienne Singularités et mon recueil Poussière paru en 2019 comme les deux seuls livres attestant de ma production poétique. » Manière pour l’auteur, non pas vraiment de désavouer les précédents recueils, mais d’affirmer les recueils Singularités et Poussière comme étant le plus en adéquation avec sa démarche.
Lire aussi : la fiche de Carino Bucciarelli sur Objectif plumes
Car il est question, dans Singularités, d’adéquation avec le monde, de la difficulté de cette adéquation, entre l’identité et l’incarnation, entre la connaissance des lois de la physique et l’éthique morale.
j’ai faim de volupté perdu dans l’infiniment petit
sur quelle planète est né le premier homme
chaque enfant s’éveille la nuit soucieux du moindre souffle de vent
Singularités offre un constat désenchanté sur le monde. Il ne sera donc pas surprenant de déceler quelques grandes figures judéo-chrétiennes qui émaillent le livre, comme l’archange, le mendiant, l’innocent, les âmes perdues. La référence aux Évangiles est patente, de même que certaines valeurs qui y sont afférentes apparaissent dans les textes comme autant de fils rouges : la honte, la culpabilité, le pêché, le pardon. Entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, il subsiste également des mouvements quotidiens : prendre le train, marcher dans la rue, aller au marché où s’éprouve parfois une certaine lassitude, une certaine fatigue.
Nous avons tout compris
et pourtant fait semblant d’ignorer
nous voulions le repos sous nos toits
la douceur dans les gestes familiers
voici qu’après la fête
ce cadeau empoisonné de la connaissance
nous n’y avons pas touché
La place donnée au « dépouillement » (dans ses deux acceptions) est prépondérante. La langue de Carino Bucciarelli ne s’embarrasse pas de volutes, elle va à l’essentiel et met le doigt sur cette difficile adéquation entre l’homme et le monde.
un jour je deviendrai de l’eau
afin de m’évaporer
Charline Lambert