Renouvellement amniotique

Elysabeth LOOS, Ce que je confie aux vagues, Coudrier, 2020, 115 p., 22 €, ISBN : 978-2-39052-009-2

ce que je confie aux vaguesLes dix illustrations d’Isabelle Busschaert sont splendides ! On aimerait avoir les originaux en main. Ce sont des taches de couleurs liquides s’épousant très harmonieusement, et pénétrant le papier où s’immerge le regard comme dans un bain cosmique. Veines et nervures génèrent les cartes de territoires imaginaires et infinis, débordant largement leur modeste format de carte postale.

Les traces de griffures en sillages créent une tension humide et florale vivante, et donnent aux dessins une vibration chaque fois propre et toujours mouvante, capturant l’œil au cœur d’une jungle illustrée dans le détail par un botaniste qui serait devenu fou d’amour pour son objet d’étude. Quel voyage fantastique, que ce travail d’orfèvre sculptant à l’inconnu, l’imprévisibilité des nuances d’eaux pigmentées se mêlant en noyant le filigrane.

Tout autour de ces univers picturaux en réduction, Ce que je confie aux vagues d’Elysabeth Loos commence par questionner sous forme de quatrains l’enfance perdue. D’une part avec tristesse, sous le titre Érosion : « creuser l’enfance / comme l’eau érode l’île / et n’y trouver qu’une plume / lestée de chagrin ». D’autre part, plus heureusement, Face à la mer : « être comme l’enfant civilisé / que l’on a rendu à la nature, / le temps d’un bain cul nu, / pelle à la main et morve au nez ».

D’emblée et à l’opposé des dessins, les poèmes semblent d’expression plutôt figurative. Cependant, le deuxième des neuf volets, qui s’intitule Temps et poursuit la réflexion, déjà s’ouvre avec ce très bel envol, Sable : « marcher les mains / sur les hanches du sablier / les orteils accrochés / aux grains du temps / ne pas lâcher / l’horizon du regard ». C’est parti ! nous quittons l’espace réel, la gravité n’a plus cours, et les éléments se diluent avec Envergure : « ne pas voler au vent / n’être qu’un peu de temps / suspendu aux ailes / d’une raie manta ».

L’ensemble paraît une mosaïque organisée en un livre très aéré. Où chaque poème serait la petite pièce d’un grand puzzle bleu comme la couverture, exprimant ce que les aquarelles forment elles-mêmes : un univers en réduction. Unique pour chaque lecteur bien sûr, quoique s’appliquant à tous et partout, le temps d’une vie humaine sur Terre. Preuve en est en effet l’évolution des chapitres, où chacun reconnaitra certainement une phase, une étape de sa propre vie : Enfance, Temps, Espace, Spleen, Mourir, Mater dolorosa, Soi, L’autre, et enfin Résilience.

Un recueil qui veut à la fois raconter une histoire et faire un bilan pour trouver la sérénité.

sans l’ombre d’un regret
comme le couteau plonge
dans le ventre blanc     de la poiscaille     se mettre les mains dans le poitrail
s’écarter les côtes et lâcher
toutes ses colombes de paix

Tito Dupret