Une syntaxe du silence

Serge NÚÑEZ TOLIN, L’exercice du silence, Cadran ligné, 2020, 66 p., 14 €, ISBN : 978-2-9565626-2-7

serge nunez tolin l exercice du silenceY aurait-il au fond une syntaxe du silence ?  Un ensemble de règles qui permettraient de comprendre pourquoi, chez le poète, le silence n’est pas synonyme d’absence mais bien plutôt de dialogue, de présence au monde. C’est en quelque sorte l’interrogation que le poète Serge Núñez Tolin décline depuis la publication de plusieurs de ses recueils tels que L’interminable évidence de se taire (2006) ou L’ardent silence (2010). Avec L’exercice du silence, il poursuit donc cette recherche, cette remise en question de la « nécessité de parler », de ce silence qui « noue la respiration à l’air qui le traverse ».

L’exercice en somme d’un infinitif aphone et définitif, arpentage sinueusement grammatical et silencieux des choses auquel le poète semble être ontologiquement subordonné.

Mots engagés dans la phrase, une seule, toujours identique et continue. Une phrase se gardant d’arriver, multipliant ses trajets, ne choisissant pas, qui habite l’étendue et le point. 

Comment dès lors s’immiscer dans les plis organiques du silence en usant des mots de la tribu ? Question qui alimente la troisième et dernière partie du recueil dont le titre, « …d’une évidence essentielle », est extrait d’une phrase de Vents et poussières  d’Henri Michaux, en exergue du livre. Une tension constante se fait jour entre la tentative d’épuisement de la langue et sa chair même.

Au bout des mots, l’entièreté du silence.
L’eau suit la pente : mots aimantés par le silence.
Tirer l’épuisement des mots du vertige auquel on a cédé.
Dans la prolifération du texte, les mots, censés combler un vide, ne
parviennent qu’à en élargir la béance.

Regarder les choses
et voir la mise en acte du silence.

Préférer les choses à leur nom :
construire le silence

Y aurait-il donc au fond une grammaire du silence à élaborer ? Serge Núñez Tolin s’y attelle.

Rony Demaeseneer