Poèmes en trois temps

Martine ROUHART, Dans le refuge de la lumière, Bleu d’encre, 2020, 54 p., 12 €, ISBN : 978-2-930725-32-1

rouhart dans le refuge de la lumiere

Premier dessin après trois poèmes : une femme s’éloigne dans la campagne et l’herbe écrit des mots de loin en proche, depuis l’horizon jusqu’à l’avant-plan. Je marche / en écrivant des phrases / qui se composent / se décomposent / comme la calligraphie / des oiseaux / dans le bleu.

Deuxième dessin après vingt-trois poèmes : un arbre s’effiloche dans la page et le vent invente des mots depuis le tronc jusques au sol. Elles chantent lentement / assoupies / comme des pensées / les feuilles dorées / étincelles d’un soleil attardé.

Troisième dessin après cinq poèmes et avant dix derniers : un papillon s’écaille dans l’air et son abdomen repose sur des mots figurant mille pattes. Déplier / les papillons endormis / au creux de l’âme.

Dans le refuge de la lumière, Martine Rouhart a inscrit trois textes au cœur de trois images, parmi les traits et l’encre noirs. Elle ponctue ainsi irrégulièrement ses autres poèmes, courts et dits du quotidien. La couverture, elle aussi, est un dessin-poème dans un nuage d’oiseaux : je m’en vais là où je vais souvent d’un coup d’ailes imaginaires.

À bien y regarder, la poétesse semble d’abord lire ce qu’elle écrit de son environnement. Elle paraît observer ce qu’elle transcrit, simplement, plutôt que d’emblée traduire ses sentiments. C’est intéressant de la savoir avoir mené une carrière de juriste. On dirait qu’elle commence par objectiver : elle décrit et ne souhaite interpréter que dans un deuxième temps, celui d’un recul intime, qui cherche. Enfin, dans un troisième mouvement, celui d’un envol, elle se libère.

Décomposons les mots de ses dessins. (1) Objectivation : Je marche en écrivant des phrases. (2) Recul : comme des pensées, intime : au creux de l’âme. (3) Envol : d’un coup d’ailes imaginaires. Soit un triptyque qui se retrouve facilement ici et là dans le recueil. Par exemple, page 17 : (1) Un avion / fend le ciel / (2) un éclat / une virgule / (3) une hirondelle. Par autre exemple, page 28 : (1) On en fait du chemin / pour pas grand chose / (2) alors qu’une seule pensée / (3) en l’air / peut nous emmener / si haut.

Dans le refuge de la lumière, Martine Rouhart observe, se retranche et enfin s’élance. La nature est sa matière. La pensée est son alcôve. L’imaginaire est son voyage. L’auteure suit ainsi rigoureusement le chemin de l’humanité. Le monde est son objet. La curiosité est son moteur. La création est sa trace.

Si un jour
j’oublie de rêver
s’il te plaît
prête-moi
tes ailes

Tito Dupret