Conjuguer douleur et pudeur

Véronique JANZYK, Vincent, ONLiT, 2020, 79 p., 10 €, ISBN : 978-2-87560-128-5

janzyk vincentVéronique Janzyk, autrice la plus publiée chez ONLIT Editions, pose un regard sensible sur une réalité douloureuse, celle d’un sportif qu’une maladie va paralyser. Elle le fait néanmoins sans sensiblerie et avec une économie de moyens qui se reflètent notamment dans le titre, Vincent, mais aussi dans le nombre de pages (79) de ce roman, que l’on pourrait qualifier de novella.

Le livre commence sous les meilleurs auspices puisqu’il nous place dans le sillage de convertis au cyclisme soudés par la même passion, leur meneur enthousiaste et enjoué, le Vincent du titre, avec lequel la narratrice pratique « une drague lente et douce ». Mais très vite, le meneur sort des radars jusqu’au jour où il recontacte chaque membre du peloton.

La narratrice répond à son invitation et la réalité s’impose à elle, sans détour : « Vincent m’avait appris à rouler, à occuper en tant que cycliste la place qui m’était due. Je l’ai retrouvé des années plus tard. Devant chez lui : un plan incliné. Vincent circulait désormais en voiturette. La paralysie totale le guettait. Lors de notre première promenade dans son quartier, il m’a désigné comme siens les chevaux, là devant. Je l’ai cru. Puis il m’a expliqué que tout était à lui, les chevaux, le pré, le bois. Celui qui n’a plus rien possède tout. » Vincent est atteint du syndrome de Charcot, connu également sous le nom de Sclérose Latérale Amyotrophique. Principal symptôme : une paralysie quasi-totale.

Alors que la narratrice ignorait quasi tout de lui, elle entre dans l’univers si particulier de la maladie de Vincent et ses conséquences que Véronique Janzyk décrit d’une écriture blanche, chirurgicale, tenant l’émotivité et la complaisance à la pointe du stylo en évitant qu’elles ne s’épanchent sur la page : « Nous avons atteint un niveau de familiarité qui me permet de prendre la main, lourde, de Vincent. De lui enlever des squames sur le visage. Sa peau s’assèche. Je l’humidifie. Je l’hydrate avec de l’eau ou du baume. » Elle rencontre les quelques personnes qui l’accompagnent, l’infirmier du matin, l’aide familiale, Luna, sa compagne, venue de Martinique, sa famille également, un frère, une sœur.

Alors que Vincent multipliait les soirées entre amis chez lui, celles-ci se sont espacées avec le temps et la progression de la maladie. Les contraintes au quotidien sont également décrites, l’utilisation d’une joëlette quand c’est possible, la voiturette manœuvrée de la bouche et de la tempe, l’obsession des courses alimentaires, etc. Elle se rend avec lui à l’hôpital aux séances d’ergo et de kinésithérapie. Elle l’accompagne à Tenerife avec Paul, l’ami discret, et découvre le quotidien des P.M.R. comme on dit, les Personnes à Mobilité Réduite. Mais l’humour est présent quand Vincent se compare à la Tour de Pise. Ou l’admiration pour ce compagnon de route qui, du début à la fin, lui a appris à occuper « la place qui nous revient de droit » : « Je regarde Vincent, et je vois ce qui en lui reste inaltéré. » 

Avec ce livre minimaliste pour une histoire qui ne l’est pas, Véronique Janzyk approfondit une œuvre délicate dédiée au regard, au mouvement et à la fragilité de nos existences.

Michel Torrekens