
Jean-Michel Pochet
Sans doute le nom de Jean-Michel Pochet n’est-il guère connu du grand public, son activité littéraire étant restée volontairement discrète, indétachable des relations d’amitié. Né en 1938, docteur en droit et licencié en sciences économiques, il fait carrière dans le secteur privé avant de se tourner vers le parti écologiste et de promouvoir le cyclisme urbain – qu’il pratique assidûment, notamment comme guide culturel. Redoublant une grande sociabilité, son intérêt pour les innovations littéraires et artistiques se concentre sur les écrits de Raymond Queneau, dont il devient un collectionneur éminent et un spécialiste reconnu : membre du Collège de Pataphysique, il présidera Les Amis de Valentin Brû. Il intègre aussi les conseils d’administration de plusieurs institutions bruxelloises (Maison du Livre, Quartiers Latins, Maison de la Francité, Musée Horta), où son érudition, son sens de l’humour et son caractère conciliant le font apprécier de tous. Avec sa chère Éliane, il aime d’ailleurs, à la belle saison, accueillir en son vaste jardin de Blanmont de nombreux écrivain(e)s et artistes.
Les préférences littéraires de Jean-Michel vont à l’anticonformisme, voire au facétieux. Il collabore épisodiquement à des revues comme Phantomas, Revue et corrigée ou Le Vocatif, au groupe louviérois Daily-Bûl, plus régulièrement au périodique déjanté Aménophis : avec Éliane, il rejoint l’équipe de Marie-Claire Gouat et Robert Kayser en 1976, avant d’être bombardé éditeur responsable. Dans des plaquettes comme L’aubette (Phantomas 1979) ou Le répondant du répondeur (Éd. de l’heure 2008), J.M. Pochet – proche en cela d’un Jean-Pierre Verheggen – se plait à tourner en dérision tout ce qu’il peut exister de sérieux, d’officiel, de normé, et d’abord la langue française elle-même. «Il faut laisser aux questionnaires le temps de s’habituer à l’obscurité». Friand d’anagrammes, de palindromes, de jeux de mots et de chiffres, il prend systématiquement le contrepied du rationnel et de l’académique, contribuant en toute modestie à la vitalité de cette « Belgique sauvage » qui lui était si chère, et qu’il vient de quitter le 6 janvier.
Daniel Laroche