Un été brûlant et poignant

Jacques CELS, Le cloître de sable, Névrosée, coll. « Les sous-exposés », 2020, 328 p., 16 €, ISBN : 978-2-931048-46-7

cels le cloitre de sableLa lumière et la chaleur rayonnent, en ce bel été, sur la cité balnéaire Delvester. Tout y respire le plaisir de vivre, l’insouciance chatoyante. Pourtant…

À La Méridienne, la vaste demeure où l’esthète et collectionneur d’art Stéphane Varlamov accueille à bras ouverts amis et connaissances, sous l’atmosphère animée, chaleureuse, perce une interrogation : où est passé le journaliste Arnaud Flairoux, qui séjournait ici depuis deux mois, tout sourire, et, du jour au lendemain, a disparu ?

Si, de prime abord, personne ne s’alarme, car il était coutumier d’escapades déconcertantes, l’inquiétude commence à poindre quand s’allongent les jours sans nouvelles d’Arnaud. On a prévenu son fils Lionel, d’abord très serein, mais qui débarque sur les lieux.

C’est surtout le narrateur, le jeune AlexisVanériaux, venu terminer son mémoire universitaire, pour qui Arnaud est un ami très cher et un père spirituel, qui s’émeut de cette soudaine absence, cet inexplicable silence, long d’une semaine déjà. Et songe à mener une enquête.

Arnaud ne logeait pas à La Méridienne mais dans une villa toute proche, Les Bravées, à l’architecture mystérieuse, « un vrai labyrinthe au bord des vagues », avec des portes dérobées, des placards dissimulés, un musée égyptien au sous-sol, et, caché derrière un panneau, un étroit escalier en colimaçon montant vers une étrange tourelle d’angle.

Une maison qui, quoique déserte, est habitée d’une présence, a une âme.

Alexis évolue entre La Méridienne et Les Bravées, s’imprégnant tour à tour de la vie bourdonnante de l’une, du silence habité de l’autre.

Une intuition, presque une certitude, lui souffle qu’Arnaud a su pénétrer dans l’insolite tourelle, qu’on disait inaccessible, et y a goûté une précieuse retraite, un jardin secret.

Autour de lui, les hôtes de Stéphane Varlamov nous deviennent familiers. La comédienne Clara Dauvarque, intelligente et belle, avec qui Arnaud avait noué une relation intime. Le couple Séverine et Jean-François Morelly, éditeur, et leur fille Solange, dont Alexis s’éprend au premier regard. Aube d’une ardente complicité amoureuse. Le peintre Boris Doutremaire, caractère ombrageux et tragique, fervent admirateur de la Grèce antique…

Solange et Alexis auront l’art de se perdre dans les dunes de sable qui moutonnent à l’arrière des villas, reliées par des sentiers bordés de genêts et d’ajoncs. « Oasis duveteuses et rêches », au milieu desquelles ils élisent une sorte d’enclos, un cloître de sable rien que pour eux.

Dans Le cloître de sable, Jacques Cels s’est plu à nous rendre présents, vivants, ses personnages, dont nous suivons les pas, partageons les sentiments, les humeurs, les émois.

Il nous révèle enfin, comme à regret, la clef de l’énigme d’une disparition qui hante son roman, tour à tour grave et bruissant de vie. Aux couleurs d’un été brûlant et poignant.

Francine Ghysen