Sans voix

Jessica GAZON, Synovie, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2020, 108 p., 10 €, ISBN : 978-2-931101-06-3

gazon synovieÀ quinze ans, alors que la vie lui sourit, Synovie est prise d’un mal mystérieux. Sa voix devient molle. Son sourire se crispe. C’est un coup dur pour cette passionnée de théâtre et de lecture à voix haute. Ce blocage, à première vue inoffensif, devient de plus en plus fréquent. Personne, même le médecin du village, ne prend son problème au sérieux. Quelques mois plus tard, elle voit un neurologue qui diagnostique de la spasmophilie. Ce mal serait donc psychologique. Toutefois, son défaut d’articulation s’intensifie. Synovie choisit la voie du silence et se tait autant au cours de théâtre qu’à l’école. Un an après l’apparition des premiers symptômes, même déglutir devient difficile. Sa mère n’y comprend rien. Son père est dans le déni. Comme les vrais médecins ne trouvent rien, sa mère se tourne vers les sciences occultes et erre de magnétiseuse en marabout… Mais rien ne marche. Ses paupières continuent de s’affaisser. Son visage de pendre. Son corps la lâche peu à peu. Une nuit, son état s’aggrave. Ses parents l’emmènent chez un vieux médecin de campagne qui veut faire des examens supplémentaires et l’envoie chez un bon neurologue. Le verdict finit par tomber : elle souffre de myasthénie, une maladie rare. Le chemin de la guérison commence alors…

L’ouvrage Synovie de Jessica Gazon, publié aux éditions Les oiseaux de nuit, a la particularité de comporter deux versions du même récit. La première est une narration autofictionnelle rédigée en 2013. Dans la seconde version, la narration est enrichie de scènes théâtrales écrites à partir d’improvisations. Cette version, davantage scénique, a été créée en mai 2014, au Centre culturel des Riches-Claires. Il est intéressant de voir le travail d’adaptation d’un texte narratif à la scène. Cette démarche permet de déceler les évolutions que les planches requièrent – même si la première version aurait pu également être transposée à la scène, dans une version plus intimiste. Quelques différences distinguent les deux récits : ajout de personnages et de dialogues, choix de distribuer le « je » narratif entre deux acteurs… Sans dévoiler la fin du récit, il est touchant de lire les derniers mots de la seconde version – « Je ne suis pas sûre d’être là demain. Je veux la vie » –, prononcés alors par Maurice Sévenant, acteur malheureusement décédé aujourd’hui.

Dans un style épuré et franc, qui rappelle la voix d’une adolescente, avec humour et sincérité, Jessica Gazon construit son récit à partir des dates-clés qui rythment et dictent l’évolution de la maladie de Synovie. Ce mal étrange fait également grandir la jeune fille. L’autrice nous entraine au cœur d’un récit autofictionnel et nous éclaire sur un mal inconnu, l’incompréhension qu’il produit, les ravages, les efforts et la peur de la mort qu’il déclenche, mais aussi l’amour qu’il crée.

Dommage que le texte soit déforcé par de trop nombreuses coquilles.

Émilie Gäbele