Quand vient la fin de l’été

Nicole MARLIÈRE, Les étés de Jeanne, M.E.O., 2021, 120 p., 14 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 978-2-8070-0286-9

marliere les etes de jeanneL’oisiveté estivale, c’est bien connu, est propice aux aventures buissonnières. Jeanne met à profit ses semaines de vacances pour prendre le large et surtout quitter la cellule familiale où elle est tenue recluse pour échapper aux dangers du monde. Dans ce roman, dont elle est la narratrice, elle consigne ses souvenirs étalés sur plusieurs années dans le courant des sixties. Nous sommes en 1962, elle a fêté ses 16 ans. Elle a trouvé le subterfuge d’un contrat de fille au pair pour séjourner à la côte où elle s’occupe d’un jeune garçon.

La mère de l’enfant, qui gagne du temps libre dans cet arrangement, la prend pour confidente et lui laisse carte blanche pour les moments de détente accordés. C’est l’occasion pour elle de découvrir des relations mixtes telles qu’elles s’ébauchent sur une plage, dans un café ou un dancing. Jeanne attire l’attention des hommes, souvent plus âgés qu’elle. En leur compagnie, elle éprouve tout à la fois le désir de séduire et elle expérimente le pouvoir de dire non dans sa recherche de juste distance. D’autres vacances suivent, en d’autres lieux. D’autres séducteurs aussi, souvent mariés, qui assortissent leurs avances de promesses dont elle démasque tôt ou tard la vacuité avec douleur.

Et puis survient Rodrigue, dès l’été 1964, qu’elle rencontre au travers d’un cercle d’amis qui évoluent dans une belle liberté. Certains en profitent pour tremper dans des affaires louches mais Jeanne est toute entière tournée vers son amoureux qui le lui rend bien. Enceinte, et certaine de son choix de garder l’enfant, elle quitte la maison familiale et part avec le futur père vers la côte belge. Commencent alors quelques semaines d’expédients, de repas et de nuits à la sauvette, de petits boulots foireux jusqu’à ce qu’ils décident de revenir en famille. Deux ans plus tard, ces épisodes sont déjà loin, c’est le moment des bilans, dans la sérénité.

Ce court roman a d’évidence une dimension initiatique, celui du passage de l’adolescence à l’âge adulte d’une jeune femme vers le milieu du 20e siècle. D’une ambiance d’abord maussade, il glisse vers de la plénitude de la passion et de l’amour. Nicole Marlière met en évidence les contraintes spécifiques liées à la sexualité sans la pilule tout en revendiquant sans détour l’affirmation des droits de la femme dans un contexte qui y était moins encore propice. Et Les étés de Jeanne nous parle d’un temps qui n’est plus, sans les technologies de communication, avec peu de voitures, de l’émergence de la culture liée à la musique, d’un monde sans télévision, où la lecture offre un des seuls loisirs accessibles au plus grand nombre.  

Thierry Detienne