Françoise HOUDART, Au revoir Lisa, M.E.O., 2021, 132 p., 15 € / ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2-8070-0264-7
Françoise Houdart signe, avec Au revoir Lisa, son vingt-et-unième roman, le premier aux éditions M.E.O. À rebours de son titre tout chargé d’adieux, le roman propose une histoire de retrouvailles : celles d’une famille disloquée par l’absence et le mur du mensonge.
« Au revoir Lisa » sont les derniers mots laissés à la hâte par Auguste à sa petite fille de dix ans, sur le papier d’une enveloppe déchirée. C’était en 1966. Suivront pour Auguste de nombreuses années d’exil à travers l’Europe, et quelques mots : des lettres adressées à son épouse Eugénie, des cartes postales pour leur fille Lisa. Les unes et les autres resteront sans réponse, confrontées au silence d’une épouse blessée. Alignés sur la cheminée, les merveilleux paysages d’Espagne, d’Italie et de France n’affichent que leur face muette.
Trente ans plus tard, une fracture interrompt brutalement la léthargie dans laquelle se sont peu à peu enfoncés les trois membres séparés de la famille. Lisa, qui a choisi de faire sa vie à l’étranger, revient en Belgique auprès de sa mère plongée dans le coma. Face à ce silence plus absolu encore, la découverte des lettres de son père conservées dans la maison familiale révèlera à Lisa les vérités cachées derrière les cartes postales de son enfance.
Françoise Houdart prend le parti de la polyphonie pour tresser le fil d’une histoire complexe qui contient, on le comprendra vite, autant de vérités que de personnages. Les chapitres portés par les voix des deux parents, Auguste et Eugénie, sont l’occasion de plongées aux origines d’une histoire d’amour surtout féconde de non-dits. Une démarche d’enquête pour le lecteur et pour Lisa, qui devenue adulte se ressent toujours « une enfant blessée qui cherche consolation et réconfort ».
Quelques symboles font le lien entre les pièces de ce puzzle : le mur de Berlin (« l’Allemagne divisée entre Est et Ouest comme je l’ai été toute ma vie entre ma mère et toi »), la pension Mona Lisa (dont Lisa tient son prénom), les cartes postales, et surtout le tilleul. Planté au jardin, l’arbre apaisant semble dépositaire de l’équilibre familial. Foudroyé peu avant le coma d’Eugénie : « De l’autre côté de la rue, le corps foudroyé du tilleul dresse dans la nuit ses longs bras de supplicié », c’est aussi lui qui nourrira la désolation d’Auguste en exil : « Un arbre manque au paysage. Ce manque ouvre une plaie… »
À la façon d’un album de cartes postales, Au revoir Lisa invite à un voyage en quelques étapes dans les paysages d’Europe et l’histoire disséminée d’une famille. « Les cartes postales, c’est vite écrit, vite lu et elles n’attendent aucune réponse. » La petite fille à qui elles étaient adressées mettra près de trente ans à en découvrir le sens véritable et y répondre : l’occasion pour elle de prononcer une nouvelle fois le mot Papa.
Derrière ce texte coloré à la structure astucieuse, on regrettera certains détails davantage au service du sensationnel que du récit, et une profondeur parfois malmenée par le versant hâtif d’une histoire à rebondissements. Une écriture généralement assurée, qui maîtrise ses variations et qui saura sans surprise convaincre le public ayant déjà entériné les vingt autres romans d’une auteure désormais chevronnée.
Antoine Labye