Hic et nunc !

Pierre SCHROVEN, Ici, Arbre à paroles, 2021, 63 p., 10 €, ISBN : 9782874067037

schroven iciAvec ce onzième recueil publié aux éditions de L’Arbre à paroles, le poète Pierre Schroven poursuit son archéologie du vivant avec peut-être encore plus d’urgence que précédemment. Salué par le prix Jean Kobs et s’inscrivant dans la lignée du travail à l’œuvre depuis la publication des premiers livres comme Toi, l’instant ou Matière d’énigme, Ici porte, dans son titre même, « l’instant » à son acmé, une sorte de réflexion spatio-temporelle sur ce qui advient quand on prend la peine d’interroger le bonheur d’être là, maintenant, ici ! Le lecteur est dès lors amené à poser armes et bagages le temps d’un silence, d’une respiration pour mieux entendre peut-être le tintement de la lumière de l’aube.

C’est curieux
     Quand je m’arrête
Je me sens être
Une pensée me vient de loin
Fait vaciller en moi l’image du monde
Et dessine dans l’air les contours d’un silence
Me rappelant que chaque jour reste à voir

En perpétuelle quête de liberté, l’écriture poétique de Pierre Schroven est exigeante, elle s’éprouve tout à la fois sous un soleil brûlant et heureux. Avec cette aptitude à conserver son émerveillement d’être là, le poète célèbre le corps présent au monde mais « délivré des intégrismes de l’avoir » pour reprendre la formule de Marcel Paquet dans la préface au recueil Autour d’un corps vivant (L’Arbre à paroles, 2014). Toujours curieux du mystère du monde, de son chant et de ses chatoiements, Pierre Schroven ne cesse de dire la présence de l’être-là selon Bachelard, sans pour autant rompre les amarres avec son passé. Un langage poétique qui travaille l’étonnement du vivant, le bonheur suspendu, ailé de l’homme « bombinant » devenu aptère, Icare résigné mais heureux d’encore pouvoir sourire aux reflets du jour. Dès lors, le poème devient ce lieu ici qui fait signe, qui fait sens. Le lieu de cette danse intérieure qui palpite au cœur de celui qui sait reconnaître le rythme du monde ainsi que ses silences et s’y fondre sans ambages, y plonger sans se noyer. Ici, alors, le rythme poétique rejoint celui de la vie !

Ici
Une fois allongé sur un banc
J’oublie qui je suis
Ne veut plus savoir qui j’ai été
Éprouve un bonheur qui me donne envie de crier
Et de boire sans avoir soif le privilège de vivre

Rony Demaeseneer