Qui a tué mon amant ?

Odile BALTAR, Arrête ton cirque !, Fleuve, coll. « Fleuve noir », 2021, 174 p., 14.90 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 782265155282

baltar arrete ton cirqueOdile Baltar a remporté la première édition du prix San-Antonio. Arrête ton cirque !, le manuscrit qu’elle a soumis au jury à cette occasion, est désormais un roman – le premier de l’autrice – publié dans la collection de référence « Fleuve noir ».

Le prix San-Antonio récompense « un polar inédit, qui sera distingué pour son travail sur la langue ainsi que son ancrage dans l’époque actuelle ». Le livre d’Odile Baltar commence par une mort, celle de François. Meilleur ami de Laure, il est aussi son amant, ce qui n’empêche pas celle-ci de vivre en couple avec le gentil et quasi parfait Pascal. Quand Laure apprend que François s’est suicidé, elle soupçonne immédiatement, allez savoir pourquoi, Pascal d’avoir liquidé son rival et maquillé son crime pour faire croire à un suicide. Voilà pour l’intrigue policière.

Elle trouve comme de juste son élucidation à la fin du livre, mais on l’oublie presque en cours de route, tant ce court roman emmène ses lecteurs dans d’autres directions. Écrit à la première personne, il suit les méandres du monologue intérieur de Laure. Laquelle a une manière bien à elle de réfléchir :

 Je suis partie à pied vers le centre-ville, j’ai trouvé une pharmacie et des sparadraps. Puis j’ai repéré l’enseigne d’une chaîne de prêt-à-porter et me suis acheté une robe noire, car j’étais en deuil, bien moulante, car j’étais une salope, deux culottes jaune vif, car j’étais folle, et des espadrilles blanches, car je restais pure – et cela, même si Zorro me suppliait de fuir ma vie de merde pour devenir la châtelaine de son manoir aux clinches [sic] en or massif.

On ne s’étonnera donc pas que la mort de François emmène Laure sur des chemins inattendus, où les rencontres loufoques voisinent avec les situations désopilantes, que l’héroïne résume avec son sens imparable de la formule :

Depuis que j’avais éclaté la tête de Pascal, j’étais nettement moins triste pour François. J’associais ce phénomène à un nouveau concept cérébral : un cerveau ne peut pas penser simultanément à plusieurs peines avec l’intensité maximale, c’était neurologique. J’allais tenir des conférences sur le sujet et lancer un livre de développement personnel […].

Les amateurs de littérature policière pure et dure, avec sa construction rigoureuse et son lot de fausses pistes, passeront leur chemin. Les lecteurs et lectrices qui ne dédaignent pas les sentiers de traverse prendront quant à eux plaisir à suivre Odile Baltar dans ce premier roman. On rit beaucoup et on ne s’ennuie jamais, sur les traces de cette Laure qui agace parfois, surprend toujours, fait son cirque et conte à sa façon ses propres (més)aventures.

Nausicaa Dewez