Claude RAUCY, Les orages possibles, M.E.O., 2021, 146 p., 15 €, ISBN : 9782807002920
Certains livres nous donnent le bonheur de renouer avec le plaisir simple de la lecture d’une histoire. Le dernier roman en date de Claude Raucy appartient à cette catégorie, donnée par ces écrivains qui nous immergent littéralement dans la fiction. Coleridge évoquait cette nécessaire démarche sollicitée chez le lecteur de fiction : « la suspension volontaire de l’incrédulité ». Avec le roman Les orages possibles, le lecteur renoue, au fil des 146 pages du récit, avec cette sensation.
Nous sommes redevables aux éditions M.E.O., fondées, animées et dirigées par un romancier, Gérard Adam, de proposer au public un catalogue de littérature belge francophone sans lequel nombre d’écrivains ne trouveraient pas accès aux rayonnages des librairies. Après la cessation d’activités des éditions Luce Wilquin, il convient de saluer chaque fois que l’occasion se présente, le travail des éditeurs qui continuent de publier malgré les difficultés de trouver un « marché ». Ainsi, de l’abondante bibliographie de Claude Raucy, figurant sur trois pages en fin de volume, M.E.O. a publié déjà trois livres de l’auteur lorrain.
Les orages possibles met en scène un personnage féminin, Charlotte, une jeune femme entrée dans les ordres au lendemain d’un veuvage précoce. Elle se soumet difficilement aux règles et à l’autorité de la Mère supérieure dans le couvent où elle effectue son noviciat. Nous sommes au début de la Deuxième guerre mondiale. La Belgique est occupée, les privations accablent la population. Le couvent en souffre d’autant plus qu’y ont trouvé refuge des orphelins. Il faut les héberger et nourrir. Dans ces circonstances, Charlotte, appelée dorénavant Sœur Marthe, est chargée de se rendre à Signeulx en Gaume, chez sa sœur. Sa mission : récolter des fonds et des vivres pour contribuer aux dépenses du couvent.
Voilà pour le début de l’intrigue et sa mise en place. Au fil du récit apparaitront les personnages qui permettent au romancier de tracer les portraits précis et incisifs de quelques figures entourant Charlotte depuis son enfance (ses parents, son frère et sa sœur), son noviciat (les sœurs du couvent). Tony, un aviateur anglais, se réfugie dans le couvent. Raucy saisit quelques instantanés de cette période, les uns lugubres (les dénonciations, les rapines dans les maisons dont les occupants ont été contraints à l’exode), les autres héroïques (les actes de bravoure des résistants).
Nous ne dévoilerons pas ici les prolongements du récit qui se développe en quatre parties, et autant d’époques : « La mission », « La maudite », « Le printemps de Prague » et « Les Mirabelles ». À Prague en 1968, nous retrouverons, adulte, un des orphelins auquel Soeur Marthe s’était particulièrement attachée, Gino. Il se liera d’amitié avec Grégoire, enfant naturel de l’ aviateur anglais qui trouva refuge dans l’orphelinat liégeois au début de la guerre. Les protagonistes principaux se retrouveront à Liège où sera joué Les orages possibles, un concerto composé par le père de Grégoire. En dire davantage serait dévoiler ici un des nœuds de l’histoire qui trouvera son dénouement à la dernière page du livre.
Sans doute l’écriture de nouvelles, de romans jeunesse et de poésie a-t-elle donné au fil des années cette lumière cristalline qui rend le style de Claude Raucy limpide et fluide et fait de la lecture de ce dernier roman en date, une belle invitation à re-découvrir les nouvelles et romans dont il est l’auteur sensible et généreux.
Jean Jauniaux