Pietro PIZZUTI, Qui a tué Amy Winehouse, Oiseaux de nuit, coll. “Rideaux rouges”, 2020, 96 p., 10 €, ISBN : 978-2-931101-19-3
Pietro PIZZUTI, Pop-corn, Oiseaux de nuit, coll. “Rideaux rouges”, 2020, 96 p., 10 €, ISBN : 978-2-931101-18-6
Les actrices et les acteurs sont les lucioles de nos scènes ; ils apparaissent, elles disparaissent et demeurent dans la mémoire du spectateur et des autres actrices et acteurs. Le souvenir d’une voix, le tremblement d’un geste, la présence d’un corps l’intonation singulière donnée à un mot, tout fait que le théâtre s’appuie sur une magie de la mémoire et de l’oubli conjoints.
Antoine Vitez disait du texte de théâtre qu’il était comme la structure engloutie d’un vaisseau et que la représentation lui donnait sa force, son existence, sa plénitude ; c’était le vent dans les voiles, des vagues sur la coque, les pas des marins courant sur le pont… Le vaisseau était remis à flots chaque soir pour délivrer véritablement ce que le texte recelait. Écrire et jouer sont toujours une variation palimpseste sur les corps intérieurs, les voix et les mouvements du temps capté.
Né à Rome, diplômé en sociologie à l’Université Catholique de Louvain et en art dramatique au Conservatoire de Bruxelles, Pietro Pizzuti interprète plus de soixante rôles au théâtre et au cinéma, et met en scène une trentaine de spectacles.
C’est un artiste vertigineux: ses talents et ses compétences multiples en témoignent…
Acteur, auteur, metteur en scène, traducteur de l’italien, organisateur d’événements culturels, il sait que le théâtre est fragile, en instance de disparition perpétuelle, et que la santé du théâtre, c’est d’être en crise justement.
Il a affronté de multiples fois cette crise et l’a transformée en créations puissantes où sa voix reconnaissable entre toutes, sa plasticité corporelle, son jeu d’intériorité et de commedia dell’arte en même temps ont souvent témoigné de l’état du théâtre et de son temps.
Qui a tué Amy Winehouse et Pop-corn, deux pièces récemment publiées, sont des variations clownesques sur la perte des illusions et la construction d’utopies. Les dialogues percutants et en même temps subtilement menés forment une forme de joute dialectique car l’auteur n’a pas peur du texte ; il sait que l’acteur est au service du texte à condition que celui-ci ne sature pas, qu’il soit troué et que l’espace de jeu soit intriqué dans la parole et la dynamique dramaturgique.
Qui a tué Amy Winehouse
Un titre étrange qui semble rappeler le destin misérable et tragique de la chanteuse, ou bien est-ce de chacune et de chacun d’entre nous dont parle l’auteur? De nous en simulacres, en maquillages et repentirs? Gauthier est un clown au bord du précipice, il va lâcher la vie aujourd’hui, il le veut. Sambuca est venu faire son métier d’ange. Et la rencontre a lieu, comme une explosion d’énergie, de joutes et d’intime partage. Encore une fois, l’auteur accélère et décélère avec maestria, les bouleversements ont besoin de haute tension.
Pop-corn
MartO, sexy-clown, explose l’audimat. Comme un phénomène de l’obscénité du temps. Présentatrice vedette de « Pop-Corn, le show qui saute qui peut ! » elle pousse à bout des personnalités et politiciens en vogue à force de questions vicieuses, d’injonctions paradoxales, de fakes… Un jour, elle apprend qu’elle est « virée”, comme la presse nomme aujourd’hui cette façon de rompre dans un temps de violence et d’anonymat… C’est la vitesse avec laquelle le mépris s’impose qui fait aussi la matière de cette pièce grinçante.
Un théâtre de combat donc, d’affrontements, de lutte entre la vie intérieure et les exigences collectives…
Les deux pièces ont paru aux Éditions Les Oiseaux de nuit nées en 2020, dirigées par Aurélie Vauthrin-Ledent. Plus de quarante titres ont été publiés, dans tous les styles d’écriture…
Daniel Simon
Les deux pièces ont été créées sur nos scènes.
Pop-corn au théâtre Le Public
Qui a tué Amy Winehouse au Théâtre des Martyrs