Écouter parler la nature

David JAUZION-GRAVEROLLES, Lumière des limites, Coudrier, 2021, 108 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-023-8

jauzion graverolles lumieres des limitesPartagé en quatre coins géographiques de la France à la Suède, David Jauzion-Graverolles publie en Belgique son premier recueil de poésie pour, assure-t-il en entrevue, matérialiser son ancrage sur notre territoire. Metteur en scène et dramaturge, enseignant au Lycée français, il a quitté son Jura natal pour suivre son épouse suédoise. Ainsi connait-il au moins deux étés, l’un méditerranéen (dont est issue sa famille) et l’autre nordique. Ce contraste est à l’origine de ce recueil de poésie, Lumière des limites, chapitré du Småland en ses tourbières aux marécages Bruxellois en passant par le massif du Jura et les gorges de l’Ardèche.

Ils se démêlent
sur des tapis d’humus en sous-bois
ils s’étirent sur des pierriers dangereux 

Ce sont des lacets qui tiennent ensemble
l’adret et l’ubac
le ruisseau et la chaîne
la falaise et l’étang

Le texte est un long dialogue questionnant l’humain et la nature qui ne tiennent justement plus ensemble. Et la principale question de l’auteur est de subordination. La nature nous parle, tous nos sens sont appelés par ses silences, ses hurlements ou sa seule présence, mais nous ne l’écoutons pas. Surtout, nous ne cessons de parler en son nom. Or nos mots, que sont-ils, que peuvent-ils, qu’espèrent-ils face à ce qui nous enveloppe et nous surpasse totalement ? Plus qu’un malentendu, il y a « discordance… un malaise » désormais permanent depuis que nous avons quitté la nature pour la dominer. Ainsi, l’auteur baisse les yeux et signale son « inquiétude » mais aussi sa « prétention » de participer à une poésie imbue d’elle-même, « sacralisée », alors qu’il convient de se dénuder : « La nature s’éloigne autant que je m’en approche ».

Peut-être intimidé par sa propre présomption d’écrire, auteur de poésies depuis ses douze ans, le poète a attendu quatre décennies avant de prendre le chemin de la publication. Ainsi, le lecteur arrive à destination sans avoir pu parcourir tout le chemin, ce qui signifie rencontrer une maturité d’écriture qui peut tendre à l’hermétisme. Mais ce serait ne pas voir la recherche, sincère et soucieuse, d’une langue adaptée au sujet traité, à savoir une langue réinterprétée pour tenter de retrouver « l’oralité, la transitivité », c’est-à-dire un dialogue équilibré et réaliste entre humain et nature ; soit une interlocution apaisée, attentive afin de (re)devenir basale.

Tout reflet est une chasse au trésor
Tous les enfants sortent de la mer

Tito Dupret