Gaspard HONS, Invisibles cordées, Rougerie, 2021, 12 €, ISBN : 978-2-85668-404-7
La vie que tu t’offres
– Une histoire fêlée – Un
Objet de brève éternité
Naître pilote premier
Devoir se débarrasser de soi
– Comme d’une lettre –
Écrite en langue étrangère
Invisibles cordées de Gaspard Hons est, comme le titre le donne à pressentir, placé sous le signe de l’énigme. Non une énigme que le poète détiendrait pour lui seul, ni un mystère caché pour le lecteur – mais une énigme partagée, celle qui nous rassemble peut-être au sein de notre condition d’humains. En filigrane des pages, des poèmes sensibles et taciturnes, se devine la discrétion et la qualité de présence du poète Gaspard Hons, décédé en 2020.
Peuplé d’allusions à d’autres poètes (Hart Crane, Erza Pound, Hilda Doolittle, Mandelstam, entre autres) et à d’autres récits (le Qohélet, l’Enfer de Dante, les Cantos) – donnant alors sa pleine mesure au terme « cordées » contenu dans le titre –, ce recueil (publié aux Éditions Rougerie aux côtés notamment des ouvrages de Marc Dugardin, de Françoise Lison-Leroy, de Serge Núñez Tolin ou de Nicolas Grégoire) s’appréhende de la même manière que nous marchons et contemplons les jardins, les paysages, de la « savane de poche » à une « promenade à Rorschach »…
Traversée buissonnière davantage que sentier tout tracé, ce court et dense recueil arpente les signes qu’adressent l’arbre, l’oiseau, la sauterelle ou le soleil, interroge et pèse leur poids d’ombre et de lumière. Tantôt dans une tonalité désenchantée, tantôt dans un verbe dénué de fioritures, le poète poursuit ses interrogations : « que serons-nous au banquet des fêlés / d’invisibles intrus tombés / hors de la prosodie des mouettes […] ». À l’échelle – minuscule, moindre, fragile – du regard humain, le simple courant d’une rivière ramène le silence au centre de la parole de Gaspard Hons.
La brièveté des mots roc et soc
Rend circonspect Qui frappe
Le rocher Qui laboure le champ
À toi de grimper sur l’échelle sonore
De guetter le cri des organes troués
L’on le devine, si les « cordées » sont « invisibles », c’est que quelque chose, qui vibre en deçà de la matérialisation, donne son éclat à un immatériel qui invite le lecteur à poursuivre son cheminement dans ce recueil et dans l’œuvre poétique de Gaspard Hons. Enfin, le dernier poème de ce livre, intitulé « Un arbre marche », nous ramène sensiblement, inévitablement, à la présence – celle de Gaspard Hons comme celle de son effacement dans le poème.
Charline Lambert