Brigitte GUILBAU, Le prématuré qui voulait naître sous le signe du scorpion et tutoyer les étoiles, Lilys, 2021, 152 p., 7,20 €, ISBN : 9782390560142
Le prématuré qui voulait naître sous le signe du scorpion et tutoyer les étoiles, le nouvel opus de Brigitte Guilbau, est un recueil de cinq nouvelles donnant la parole à des jeunes, depuis leur vie in utero jusqu’à leurs premiers pas de jeunes adultes. Nous avons ainsi l’occasion d’explorer la vie d’un fœtus non désiré dans le ventre de sa mère. En pleine crise existentielle, il analyse avec un humour grinçant les décisions prises par ses parents adeptes de l’improvisation.
Et c’est ainsi que, dans la toute nouvelle Dauphine grise où Papa avait attendu en boudant que Maman sorte de chez le faiseur d’anges, ce casseur de liberté qui leur avait interdit de me dévisser non sans leur rappeler que j’étais déjà un fœtus, je devins la petite princesse attendue, mais non désirée d’un couple qui avait oublié l’espace d’une soirée qu’on ne donne pas la vie à un enfant, mais que, parfois, il vous la vole.
Ensuite, nous plongeons sans transition dans la ville de Kiev où un guerrier prénommé Otto achète des fourrures et un jeune esclave pour sa femme. Du haut de ses douze ans, ce dernier paraît docile et chétif, mais il révèle rapidement une insoumission déterminée qui poussera Otto à changer de regard sur lui.
– Tu es bon et juste. Je te remercie. Je suis heureux de pouvoir être libre et faire le choix de vous accompagner.
– Tu serais venu de toute façon, ça change quoi ?
– Ça change tout.
– Tu veux être ta propriété.
– Oui, je ne veux pas être soumis à la volonté de quelqu’un d’autre. Je veux bien servir, mais pas être en servitude.
– Tu crois que la liberté protège ?
– Oh non, elle ne protège en rien. Le mal qu’on peut faire à un esclave est le même que celui qu’on peut faire à une personne libre, je ne le sais que trop sauf que, dans le premier cas c’est légal et je ne veux pas qu’on me soumette légalement. Je ne veux pas me dire que c’est normal.
Nous suivons également les pas de Penty Wolf, un autre jeune guerrier chez les Lakotas qui part à la recherche de la menace pesant sur sa tribu et ses terres. Il découvre alors son ennemi : un monstre à roues avançant sur des rails et se nourrissant de pierres noires…
Dans la quatrième nouvelle, la parole est donnée à Sarah, une adolescente de quinze ans adepte de la critique facile vis-à-vis de sa famille, qui est ébranlée lorsqu’elle tombe par hasard sur le carnet intime de sa grand-mère, dont elle découvre des origines insoupçonnées. La dernière nouvelle est le récit bref mais puissant d’un nouveau-né jeté dans une poubelle.
Dans ce recueil, Brigitte Guilbau nous invite à explorer avec un style incisif et une lucidité parfois teintée d’humour caustique des questions universelles qui habitent l’être humain dès son plus jeune âge: la question de ses racines et de facto ce qui détermine son identité. L’appartenance à une famille de sang ou de cœur sont des questions existentielles qui malmènent les héros des nouvelles et poussent aussi le lecteur à prendre du recul, philosopher, sur la relativité, mais aussi la complexité qu’engendre toute identification. Un opus surprenant où un certain nombre de coquilles ternissent toutefois le plaisir de la lecture.
Séverine Radoux