Jean-Pierre SONNET, La ville où tout homme est né, Taillis Pré, 2021, 56 p., 12 €, ISBN : 978-2-87450-185-2
« Pollen, tout est pollen, aux jours d’avril en Israël ; pollen, tout est pollen, les mêmes jours en Palestine. […] Le mur, les barbelés, le dôme d’acier ne peuvent y faire : ici et là, les oliviers sont fécondés. »
En une quarantaine de petites proses, le poète Jean-Pierre Sonnet invite à une déambulation méditative, spirituelle et poétique dans la ville de Jérusalem, au travers du recueil La ville où tout homme est né. La ville, dite « trois fois sainte » (car située au carrefour des religions musulmane, chrétienne et juive) est le lieu, pour Jean-Pierre Sonnet, où s’éprouve la poésie, où vibre son « kaléidoscope d’images ».
Dépliant le sens, les sonorités et les connexions entre les différents idiomes et les différentes religions, le poète fait résonner les langues qui bigarrent Jérusalem et fait scintiller son « paradoxe » : « Ville aux murailles dorées et aux checkpoints hideux, elle ‘fait corps’ grâce aux mots et aux métaphores qu’on lui voue ». Jean-Pierre Sonnet restitue à cette ville (qui, comme nous le savons, est l’un des objets du conflit israélo-palestinien) son ouverture sur le monde et sur la parole de Dieu.
[…] L’hysope buissonne au-dessus de nos têtes, nos pieds tressaillent à côté des sandales : Dieu n’est pas de marbre, il répond, flamboyant, à la jointure des pierres, dans l’interstice des mots.
Au cœur d’une ville tendue de clivages et animée d’oppositions violentes, Jean-Pierre Sonnet circule, l’oreille attentive aux sons, aux langues qui émaillent Jérusalem, aux êtres qui la peuplent. Il emprunte quelques détours, dont le principal : la poésie. Dans ce recueil, c’est en effet le langage qui forme la ville ; ce sont les lettres qui lui donnent son accès secret ; ce sont les métaphores qui la déploient en une vaste cartographie sensible.
Le rythme des poèmes, qu’une oreille rompue à ces mouvements décèlera sans peine, laisse pressentir une connivence musicale avec l’éminemment lyrique Cantique des Cantiques – dans lequel Jérusalem est l’un des personnages. L’ensemble du recueil de Sonnet tisse également des échos avec, entre autres, les Psaumes, les Nombres, la Torah. Rappelons qu’en sus de sa qualité de prêtre dans la Compagnie de Jésus, Jean-Pierre Sonnet enseigne également la poésie hébraïque à l’Institut biblique pontifical.
Grand lacis de couleurs et d’images où se faufilent Klee, Chagall et Ponge, ce recueil dessille l’ouïe et le regard, leur donne une fonction quasiment scripturale. Recueillant les différents idiomes qui se greffent à toutes les rues de Jérusalem, la main épouse alors les peaux des parchemins : « chacun s’y retrouve lettré, en quelque sorte enluminé, scribe à l’image de Dieu ».
Le pari de l’ouverture, annoncé par Jean-Pierre Sonnet en liminaire à ce livre, est remporté haut la main et force le respect : à chaque page, le poème ne se referme pas sur lui-même, il demeure ouvert – tel une paume sur laquelle vient bruire le tétragramme divin.
Charline Lambert