Riche art de la nouvelle mit l’air en mots

Richard MILLER, Séquestrés et autres nouvelles, CEP, 2021, 20 €, ISBN : 9782390070658

miller sequestres et autres nouvellesVoici un recueil qui réunit une trentaine de nouvelles écrites par Richard Miller et publiées pour la majorité d’entre elles au cours des vingt dernières années, cependant que les accompagnent une dizaine d’inédits pour former un volume qui compte presque autant de pages que l’on dénombre de jours au cours d’une année. Ainsi réunis, ces récits permettent de cerner les grandes lignes de l’univers de l’auteur qui s’est par ailleurs illustré dans des écrits politiques mais aussi dans des ouvrages sur l’art, dont un consacré au mouvement CoBrA.

On notera tout d’abord l’attachement de l’auteur à ses racines, au pays noir et à sa population industrieuse (Le terril, le brûlé) qui a fait l’âge d’or de la Wallonie et de son rayonnement mondial. Philosophe de formation, il place les questions morales au cœur de la fiction : ses personnages franchissent les limites des lois des hommes, leur passé les rattrape après qu’ils ont connu l’ivresse de la transgression (Le terril, Séquestrés, Les beaux débuts) et qu’ils aient ou non rendu des comptes face à la justice. S’y glissent des références à la mythologie et à ses textes fondateurs qui ne cessent d’éclairer les destinées humaines (Joëlle) au même titre que des œuvres d’art qui illuminent leurs vies.

Ancien mandataire public, Richard Miller nous entraîne aussi dans les coulisses du pouvoir, des missions internationales, dans la fièvre des congrès où s’affirment les rapports de forces (Tadeuz, Le discours). Mais ce sont sans aucun doute les relations amoureuses qui occupent l’avant-scène de son univers narratif : amour par-delà le handicap, amours naissantes, émois furtifs, ruptures, relations oppressantes, tarifées, forcées ou déclinantes, toutes les palettes de la passion se trouvent ici déclinées. Quel qu’en soit le biais, l’accord des sentiments est un bien précieux et fragile, et la tricherie n’a qu’un temps, chacun se retrouvant face à sa propre vérité.

Insérées dans ces récits brefs, quatre nouvelles autonomes portent la mention Cycle Marietti, du nom de l’inspecteur qui mène l’enquête, et s’apparentent au genre policier. Elles courent sur une nonantaine de pages au total, donnant à ce genre littéraire une déclinaison brève qui fait mouche. Le volume se clôt sur Moelle ritale qui se distingue par sa liberté d’écriture et son inventivité, dans la veine des surréalistes belges : énumérations, jeux de mots, néologismes fleuris et associations hardies s’y bousculent, toute ponctuation mise à part.

Richard Miller pratique l’art de la fable avec un talent certain. D’une écriture souple et enjouée il campe avec subtilité des univers multiples, à l’écoute des questions incontournables qui traversent notre humanité inachevée.

Thierry Detienne