Alex PASQUIER, Le vitrail en flammes, préface de Frédéric Vinclair, Névrosée, coll. « Les sous-exposés », 2021, 170 p., 14 €, ISBN : 978-2-931048-51-1
Un roman. Avec tout ce qu’il faut d’ingrédients d’avant l’ère du soupçon et la mort de l’auteur, d’avant le nouveau roman, la modernité, la postmodernité : le retrait du monde, une passion amoureuse interdite, une rivalité où l’être aimé est joué aux dés, une disparition et peut-être un assassinat – et même un duel ; un récit dans le récit – des carnets scellés divulgués. Et l’illusion du réel. Autant le dire, quand on commence la lecture du Vitrail en flammes, livre quasi oublié (publié une première fois en 1930) d’un auteur disparu des rayons des librairies (Alex Pasquier, 1888-1963) on plonge – avec plaisir – en plein texte old school. En belle écriture.
Le roman s’ouvre par le tintement des cloches d’une abbaye, « – cloches ! – jetez l’or d’un nouveau monde ». Au son de leur résonance, dans un style poétique, on découvre le monastère avec son église en pleine prière, dont les Pères se retirent un à un. Reste « dans une paix rayonnante, l’allégresse multicolore de l’église ». La solitude. Celle qu’est venu chercher, sept années auparavant, Dom Maxence Marvillac, « cœur brisé aux duretés d’une épreuve trop forte ». Celle qui va être perturbée au point de le remettre dans le siècle auquel il avait renoncé. Le ramener dans le cours des événements, du temps qui passe non plus au rythme lent de la retraite mais à la cadence blessante des passions amoureuses et sociales.
Il est appelé à témoigner dans l’affaire dite « Fortier », du nom du présumé assassin de Risban, disparu sept ans auparavant (tiens donc) et dont le corps vient d’être retrouvé, en parfait état, conservé par les glaces. Une enquête est ouverte car « les experts estiment qu’avant d’être jetée au gouffre, la victime a dû être assassinée ». Que s’est-il passé ?
Marvillac a tout noté dans ses carnets, tout ce qui se déroulait pendant ce temps-là, de ces vacances-là, en Bretagne et dans les Alpes françaises. Ces cahiers, il les a remis à l’autorité du monastère. Il demande à les récupérer. À les lire, la nuit avant de s’en aller. Un second roman se donne à dévorer alors, d’un style moins poétique, plus prosaïque (« Un choc douloureux, et de la prose va se répandre dans le poème de sa vie… »), le journal d’un je-t-aime-moi-non-plus, d’une rivalité amoureuse en pleine villégiature où on croise des anciens camarades de guerre, un compositeur, un industriel, de « gros bourgeois insignifiants », où on fait de la musique dans le salon de l’hôtel (piano et violon), on joue au tennis et dit breakfast pour petit-déjeuner… Où apparaissent, sous le vernis mondain, des failles qui ne cessent de faire leur travail de sape. Le romancier les révèle au gré des pages. Elles s’élargissent jusqu’à engloutir un corps. Qui, lorsqu’il sera découvert, révèlera les vices cachés des jeux de l’amour et de la vie sociale. Et prouvera, s’il le fallait encore, que le genre romanesque a tant à dire sur la nature humaine et la sociabilité.
Michel Zumkir