Poésies chemin faisant

Un coup de cœur du Carnet

Carl NORAC, aNNe HERBAUTS, Petits poèmes pour y aller, Pastel, 2022, 132 p., 18 €, ISBN : 9782211316842

norac herbauts petits poemes pour y allerÀ ma gauche, Carl Norac, qui fut notre poète national jusqu’il y a peu, qui s’adresse tant aux enfants qu’aux adultes et arpente les plages ostendaises. À ma droite, aNNe herbauts, illustratrice bruxelloise vivant en lisière de forêt et récente lauréate du Prix triennal de littérature jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Lorsque ces deux auteurs, qui ont chacun derrière (et devant) eux une œuvre aussi singulière que réjouissante, se réunissent le temps d’un livre, cela donne un recueil de poèmes malicieux et délicat.

Carl Norac écrit comme il respire. Il compose ici une collection de textes qui sont non seulement véritablement jolis et charment les lecteur.rice.s, mais qui vont aussi au fond des choses. Qu’ils évoquent des sujets graves (les injustices dont ce monde pullule, l’environnement qu’il conviendrait de préserver) ou d’autres plus légers (les envolées de sucre glace des gaufres, les mésanges messagères), tous revêtent la même importance.

Chaque poème est à la fois une toute petite chose, à grappiller comme une mûre sur un buisson, et l’occasion d’ouvrir des espaces propices à la pensée, au ressentir. Gouter les instants, se retrouver avec soi-même, regarder autour de soi, arrêter de râler, cheminer… Carl Norac invite à plusieurs reprises au ralentissement, comme dans le court poème Un jour sans montre :

Elle m’a dit : « Laisse le temps passer. »
C’est ce que nous avons fait, longtemps.
Nous avions si joyeusement
bien plus d’une minute à perdre.

Le duo fonctionne à merveille. Carl Norac écrit également avec les silences, et aNNe herbauts investit les vides. Facétieuse, cette dernière s’est amusée à dessiner son compagnon de pages. Ainsi, le poète apparait tout au long du recueil et surgit au gré de ses textes. On le découvre se chaussant, se déchaussant, se baignant avec des loutres, accueillant des oiseaux à bras ouvert, ou pagayant sur les eaux. Les illustrations tressent un fil entre les poèmes, tissent des liens de l’un à l’autre, des sens supplémentaires. Elles ponctuent les pages d’escargots, des lapins, de vastes paysages. Elles se déploient parfois sur des pages pleines, et d’autres fois laissent la place au blanc du papier.

Alors, à qui conseiller ce livre ? Aux enfants ? Assurément, il leur fera le bien que fait une journée au grand air ou une soirée au coin du feu. Mais plus largement à n’importe qui, car il n’y a pas d’âge pour la poésie. Et Carl Norac n’a pas pour habitude de séparer ses textes entre deux publics.

On terminera par un poème d’utilité publique en cas d’épidémie de maussaderie, à apprendre par cœur pour le réciter dès que nécessaire :

T’as ta tête à quoi ?
T’as ta tête en l’air ?
T’as ta tête à claques ?  

T’as ta tête à quoi ?
T’as ta tête à nœuds ?
T’as ta tête à toux ?  

T’as ta tête à quoi ?
T’as ta tête à tics ?
T’as ta tête à d’entêté ?  

Ta ! Ta ! Ta !
Souris-moi.
Arrête de râler.
Fais ta tête à toi, pour changer.

Fanny Deschamps

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Carl Norac lit un extrait de « Petits poèmes pour y aller » pour L’école des loisirs