Colette NYS-MAZURE, Par des sentiers d’intime profondeur, préface d’Alexis Jenni, Salvator, coll. « Chemins d’étoiles », 2022, 203 p., 18,50 €, ISBN : 9782706721281
« La marche est une parenthèse enchantée pour nombre de nos contemporains. Dans le monde de la vitesse, du rendement, de la performance, c’et une échappée belle » nous dit David Le Breton, sociologue et anthropologue l’université de Strasbourg (Le monde de la Bible, n°240).
Dans son dernier livre, Colette Nys-Mazure partage son amour et sa pratique de la marche en chapitres courts et plus ou moins thématiques : les promenades en solitaire, en compagnie, à travers la campagne, dans les rues de villes, à l’étranger ou près de chez elle, vers l’église paroissiale, au rythme des saisons, …
La recette de Colette, – « Marcher commence derrière la maison » –, c’est de marcher chaque jour, de 14 à 16 h, sans téléphone (sans fil à la patte), qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse chaud ou froid, … qu’elle soit chez elle ou ailleurs, dans l’une ou l’autre résidence littéraire ou université où elle est invitée comme autrice et dont elle explore les environs en mettant un pied devant l’autre. Sacrée discipline !
Par des sentiers d’intime profondeur. Chaque mot de ce titre donne une clé de la démarche de l’autrice. « Par », car il n’est pas question de s’installer mais d’avancer ; « des sentiers », des chemins, des rues, des sentes, des boulevards et la bonne vieille ‘drève’ bien de chez nous qui invitent à la découverte ; « d’intime » car l’écrivaine se livre comme jamais, dévoilant des souvenirs de famille, des rencontres d’amitié ou des expériences plus réfrigérantes liées à ses expéditions pédestres, les accidents et les fractures qui la privent, parfois pour longtemps, du plaisir impérieux de marcher ; « profondeur » car les pensées, les impressions, une philosophie de vie même, viennent en marchant.
C’est dire si ce livre n’est pas fait pour être lu d’une traite, … et ne se laisse pas résumer. Colette Nys-Mazure ne parle pas de la marche mais nous emmène à sa suite dans sa pratique, dans ses souvenirs de rencontres, d’échanges et d’associations d’idées liés à ses pérégrinations. Dans sa foulée, je ne veux pas parler de ce livre mais au contraire le laisser parler à qui veut l’écouter, à la rencontre de l’autrice et des ses amis poètes, au fil d’un bref florilège.
« Entre la discipline quotidienne de marcher et celle d’écrire, j’établis une analogie : la spontanéité, l’enthousiasme des commencements que viennent relayer la volonté, la résolution lors des inévitables passages à vide, doutes, tentations d’abandonner par fatigue et impuissance ; L’endurance de la marche par tous les temps et le vrai travail d’accouchement de l’écriture, suivi de l’accompagnement du livre. »
« Ces bois à clairière ou lisière dont les ombrages mystérieux réactivent lectures haletantes – j’étais Chaperon rouge, Poucet ou Blanche-Neige – et camps scouts, j’y plantais ma tente, je cherchais du petit bois et de l’eau. »
« Un jour sans marche est un temps difficile à vivre, comme si le corps criait pour échapper aux griffes de la sédentarité, réclamait sa part d’air, de lumière, de hasard. […] Giono me le souffle : « ‘Si tu n’arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore’ ».
Axel Kahn, peu de temps avant sa mort : « [La marche] est pour moi une condition de vie. Je ne vis pas pour marcher, mais j’ai du mal à vivre sans marcher. La marche est au cœur de deux projets de vie : l’accès à la beauté et à l’émerveillement qu’elle favorise, et la pensée ».
« J’entends ce cher Charles Juliet m’inviter à le suivre :
Je marche marche
me risque
en des contrées extrêmes
m’aventure
sans broncher
là où avant
m’assaillait la peur
lentes heures
spacieuses et riches
loin du temps aboli
pour plus de lumière »
Et puisque c’est la fête des mères (et bientôt la fête des pères), voici une dernière suggestion : « Ce dernier Noël, la cadette de nos petits-enfants avait tiré mon nom au sort. Elle m’a remis une lettre rouge : ‘Bonne-Maman, je t’invite à boire un thé, à marcher dans la forêt de Soignes et je t’offre un massage !’ Me voilà comblée. »
Peut-être le serez-vous aussi à la lecture de cet ouvrage.
Marguerite Roman