Anamorphoses et mémoires confuses

Françoise PIRART, Tout est sous contrôle !, MEO, 2022, 164 p., 16 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 978-2-8070-0329-3

pirart tout est sous contrôleD’emblée le titre – Tout est sous contrôle ! – du dernier recueil de nouvelles de Françoise Pirart nous donne le ton de l’ironie et de la duplicité qu’elle décortique délicatement dans vingt histoires où truculence, mystère et intimes dévoilements se resserrent dans un style où  jubilation et mélancolie vont ambedui.

François Pirart a déjà publié nombre de romans et de nouvelles et s’occupe par ailleurs de suivis autobiographiques qui lui donnent certainement de nombreuses matières dans le domaine de l’intime, de la famille et des épisodes de la vie de nos contemporains. Son talent fait de ce recueil une rhapsodie drôle et généreuse…

Ça se passe un peu partout, en maison de repos, en famille, dans les cercles du pouvoir, là où jouent les hommes dans la cour des simulacres et des faux-semblants.  Là où ils souffrent et sont prisonniers de leurs propres personnages ou de leurs fantômes.

« Grâce féline » nous invite à suivre les effarements, l’inquiétude de cet homme qui sent la réalité lui glisser entre les doigts ; « Le directeur est absent » se joue, avec une réelle ironie politique sous-jacente, des élucubrations mystérieuses des personnages de la Confédération des associations. On s’y croirait, on jubile, mais non, ce n’est pas possible chez nous, alors que…

« Patience,  mère des miracles » où la trivialité d’un vent, d’un pet échappé à l’insu… du personnage le renvoie dans un monde d’inquiétudes métaphysiques, d’excuses éternelles. Le corps a ses raisons…

Nous vivons un monde et une époque où nous constatons que rien n’est sous contrôle : d’une pandémie à de nouvelles guerres soudaines, « le tout-contrôle » n’est pas une dystopie mais bien l’ambition d’un univers où sécurité remplace dorénavant (avantageusement ?) liberté dans le meilleur des mondes.

Françoise Pirart le sait,  elle est une écrivaine qui observe et note les secousses et essoufflements de notre monde. Souvent, dans ses romans et nouvelles, l’autrice développe une empathie forte avec ses personnages, qui autorise lectrices et lecteurs à prendre de singulières libertés avec… eux-mêmes.

Il n’y a jamais eu de John. Vos amis n’ont jamais perdu d’enfant, cette histoire n’a germé que dans l’esprit dérangé de Jessica. Je la connaissais bien. Elle avait été mon élève jadis. Très jeune, elle fabulait déjà, s’inventait une autre vie. Je sais pas pourquoi, je lui ai un jour montré des photos de mon grand-père. C’est ce garçon que vous voyez là. Et elle m’a demandé de pouvoir les conserver. J’en avais certaines en double, j’ai cédé,  j’aimais bien votre amie. Je ne me doutais pas que cela prendrait de telles proportions. 

On le voit, Françoise Pirart tend des pièges, capture ses personnages et les regarde, comme des êtres de jeu mais aussi joués en permanence par de multiples ambiguïtés.

Vingt nouvelles de notre commune humanité sur l’état de nos illusions morales, sur ces terribles détournements de ce que l’on nomme toujours prudemment le réel.

Daniel Simon

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