Les mots pour le dire

Gwendoline LOOSVELD, Déjà ?, Murmure des soirs, 2022, 126 p., 15 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 978-2-930657-93-6

loosveld dejaGwendoline Loosveld est une notaire experte en droits des successions et une éthicienne spécialisée dans les questions sur la fin de vie. Elle nous offre ici une série de réflexions autour de la mort, qui sont le fruit de lectures, de son expérience professionnelle, mais aussi privée, car sa vie a été jalonnée de morts abruptes et d’une grave maladie l’ayant confrontée à sa propre fin.

Le fil conducteur du texte est d’inviter à oser parler de la mort même si elle suscite des peurs. Le sujet est couramment évité et davantage envisagé comme un problème technique à résoudre. Or, n’avons-nous pas peur de la mort car nous n’osons pas vivre ? Le but est-il de vivre plus longtemps au détriment du bien-être ? Voilà des questions en apparence simples qui ouvrent des portes vers une réflexion plus profonde.

Oui, penser la vieillesse jusqu’au bout me touche profondément. Pourquoi avoir mis tant d’énergie et d’argent à prolonger nos vies sans réfléchir aux conséquences à long terme : le mal de vivre, le non-sens, la maltraitance, la solitude à la fin d’une vie ?
« Je ne peux pas prendre mes vieux parents chez moi. Je tiens trop à ma liberté. Et eux aussi. Ce n’est plus de notre temps » sont des phrases que j’ai entendues à plusieurs reprises.
Aurions-nous prolongé la vie sans y avoir intégré une réflexion sociétale sur la vieillesse ?

La mort est questionnée sur le plan humain et philosophique dans un style très simple et ce, sous différents aspects : il y a celle des autres qui suscite la gêne lorsque nous sommes maladroits face à la finitude d’une connaissance ou d’un proche, lorsque nous ne trouvons pas les mots pour le consoler, le rassurer ou le déculpabiliser. Notre propre fin est également soulevée avec une exhortation douce à anticiper les formalités administratives, juridiques, médicales et existentielles afin de protéger nos proches lors de la blessure de la perte, même si elle n’est pas attendue.

Gwendoline Loosveld nous rappelle l’importance des rites funéraires pour fixer un cadre sécurisant permettant d’entamer un deuil, le réconfort de la croyance en l’au-delà ou la nécessité de discuter avec ses proches pour éviter les règlements de comptes lors d’une succession.

Avec un style très simple empreint d’une profonde humanité, l’autrice nous invite à ne pas nier ce moment de vie auquel personne n’échappera. Le ton n’est jamais lourd, nous sentons au contraire la flamme vibrer chez une femme qui nous suggère d’explorer nos peurs et d’avoir l’audace de parler de la mort afin d’introduire plus de vie dans notre existence.

N’est-ce pas parfois pesant de constamment côtoyer des personnes en fin de vie ?

C’est au contraire un privilège énorme, un incroyable cadeau. Le contact de personnes en fin de vie vous permet également d’apprendre chaque jour un peu plus à vivre. Chaque patient est différent face à la mort. Néanmoins, il y a une constante presque immuable. Elle consiste en un déplacement des valeurs personnelles de l’égoïsme vers l’altruisme. Presque tous les individus dont la fin est proche découvrent l’importance des autres et se préoccupent alors davantage de savoir comment celles et ceux qui leur sont chers se sentiront après leur décès, plutôt que des circonstances de leur propre mort. Ce changement d’échelle de valeurs est récompensé par une meilleure qualité de vie durant le temps qui reste. 

Déjà ? Un témoignage d’une grande justesse, une ode à la vie et une exhortation à préserver nos proches afin de cheminer ensemble vers la fin avec plus de sérénité…

Séverine Radoux

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