Convoi exceptionnel

Un coup de cœur du Carnet

Léonie BISCHOFF et Kathleen KARR, La longue marche des dindes, Rue de Sèvres, 2022, 145 p., 18 € / ePub : 6.99 €, ISBN : 978-2-8102-1365-8
Dès 9 ans

bischoff la longue marche des dindesOn n’arrête plus Léonie Bischoff qui a récemment remporté un deuxième prix pour l’album La longue marche des dindes, quittant cette fois le festival d’Angoulême avec le Fauve Jeunesse en poche. Celui-ci lui a été attribué pour l’adaptation du roman éponyme de Kathleen Karr dont la traduction en français, parue pour la première fois en 1999 à l’École des Loisirs, avait déjà reçu le Prix Versele en 2001 en Belgique.

Le récit est inspiré des convois de dindes qui étaient menés au 19e siècle à travers  les États-Unis en vue des repas de Thanksgiving. À cette époque où les transports réfrigérés n’existaient pas, les turkey drives faisaient en effet partie du paysage… Il n’est pourtant jamais question de fêtes de famille dans l’album de Léonie Bischoff où le jeune héros Simon Green ne peut compter que sur lui-même. Parachuté dès son plus jeune âge chez un oncle et une tante peu disponibles en amour comme en en temps et en argent, Simon ne manque à personne lorsqu’à douze ans, il quitte Union, Missouri, pour Denver, Colorado, menant fièrement vers l’Ouest un troupeau d’un millier de dindes. Pas trop embarrassé par la cervelle d’oiseau qu’on lui attribue, plutôt confiant en l’avenir et fiable aux yeux des autres, Simon conduit sa caravane sans se laisser décourager par les nombreux obstacles qui jalonnent son chemin. L’institutrice Miss Rogers finance l’équipe des quatre individus qui courent derrière les oiseaux… Outre Simon, ce sont tous des marginaux écorchés rencontrés sur le chemin, que le regard confiant du garçon élève : Mister Peece, meilleur muletier mais incorrigible alcoolique aux grands talents culinaires, Jo Ballou, esclave en fuite vers le Kansas, ou encore Lizzie Hardwick, dernière survivante de sa famille et herboriste hors pair.

Impossible de ne pas retrouver dans l’aventure les nombreux stéréotypes des récits fondateurs à l’américaine, stéréotypes que l’autrice semble s’être beaucoup amusée à dessiner et qu’en tant que lecteur, on se réjouit de retrouver au fil des pages : dangereuse traversée du désert et dindes à la broche au soleil couchant, Indiens menaçants, mythe du self-made man dont le travail honnête et courageux est finalement récompensé. C’est un peu comme si la quête initiatique et solidaire des personnages du Magicien d’Oz se déroulait au pays de Lucky Luke, avec des bandits pires que les Dalton et des Indiens à la psychologie plus étoffée que celle des albums de Morris.

Léonie Bischoff signe un très bel album aux couleurs chaudes, aux dessins doux, qui invite, comme Simon, à prendre les choses comme elles viennent et les gens comme ils sont, à ne pas cesser de s’émerveiller, par exemple, de la grandeur du plus grand petit cirque de l’année.

Violaine Gréant

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