Un conte comme les autres ?

Marie HENRY, Come to me Comme tout le monde, Lansman, coll. « Théâtre à Vif », 2022, 48 p., 11 €

henry come to me comme tout le mondeCome to me, un jeune garçon de dix ans, roux, gentil, studieux et très grand, est le héros de cette histoire. Une légende plane autour de lui. On raconte qu’il est parfait. Comme dans un conte, il se promène dans une forêt et a enfilé de grandes bottes qui le font bondir. Par monts et par vaux, il avance vers celle qui l’appelle : Celle qui espère (ou attend) toujours. Cette dernière, qui fait des songes bien trop sombres et est l’héroïne de cette histoire, attend l’homme de sa vie. Ses pleurs doivent le guider. Come to me doit devenir le prince époustouflant de Celle qui espère toujours.

Mon nom est Come to me. Je suis en train d’escalader des monts et des vaux. Je n’ai pas peur. (…) Je cours à la rescousse d’un pleur. 

Mais son chemin est semé d’embûches. Arrivé devant la maison – que dis-je ? le château – où réside Celle qui espère toujours, il doit d’abord passer devant les plantes carnivores et les loups qui gardent la demeure, puis rencontrer Virabelle, la méchante et si belle mère de Celle qui espère toujours, ainsi que Peter Varsinovitch Four, le père qui a une plaie qui saigne dès que sa fille se met à pleurer. Come to me n’est pas l’enfant parfait que l’on dit. En réalité, il est mort de trouille et tremble de tout son corps. Va-t-il sauver Celle qui espère toujours ? Deviendra-t-il son prince charmant ? Et Celle qui espère toujours recouvrera-t-elle sa liberté ? Mais au fond d’eux-mêmes, que veulent-ils réellement ? Tomber amoureux n’est peut-être pas obligatoire.

Marie Henry s’amuse avec les niveaux de narration. Le narrateur, qui prend en charge une partie des descriptions et raconte l’histoire, intervient à plusieurs reprises : il discute avec les personnages, les contredit, les pousse à agir. Ces derniers participent aussi activement au récit de l’histoire. La pièce s’ouvre d’ailleurs avec un dîner « picorage » auquel sont invités les cinq personnages principaux, narrateur compris. L’autrice joue avec les codes du conte qu’elle renverse complètement. Elle les étire, les décale, en force les traits, les questionne. En ressort un conte tout particulier qui n’en est peut-être pas un. Nous aurons reconnu, entres autres, une touche du Petit Poucet – les bottes –, une poignée de Raiponce – une jeune fille enfermée par une femme méchante – et un souffle du Petit Chaperon Rouge – le panier plein de beurre. De nombreux personnages qui peuplent les contes sont également convoqués : loup, ogre, marâtre…

La langue de Marie Henry est particulièrement singulière et savoureuse. Elle est musicale, poétique, drôle et très imagée. Les noms des personnages sont succulents. L’autrice fait vivre les sons, tels quels les « paboum paboum » des cœurs qui résonnent et se répondent, les rires de Virabelle ou encore le bruit des bottes qui font « vraoum schliss ». Elle ne se refuse jamais quelques figures de style, notamment les répétitions qui coulent à flots. Comme la phrase « Tout commence un beau jour où- /
Ou il était une fois des-
» qui est répétée à plusieurs reprises, des pages 5 à 7, avec des petits changements à la fin, et permet d’instaurer le style et un décalage, tout autant qu’introduire les personnages et l’histoire.

Commandé par le groupe TOC en 2006, ce texte jeune public est une réédition de Lansman – le texte avait été publié une première fois, en 2010, lors de sa création à l’Atelier 210.

Émilie Gäbele

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