Après l’oubli

Evelyne GUZY, Belgiques : ce qui reste quand on a tout oublié…, Ker, coll. « Belgiques », 122 p., 12 € / ePub : 6,99 €, ISBN : 978-2-87586-450-5

guzy belgiquesLa collection Belgiques, dirigée par Vincent Engel aux éditions Ker, accueille depuis quelques années déjà des fragments de « Belgique » surgis de la mémoire des autrices et auteurs sollicités. Ils sont de multiples origines, mais paradoxalement, ces « Belgiques » ne comptent pas encore de plumes néerlandophones au catalogue… Nous imaginons les difficultés en cette matière aujourd’hui…

Par ailleurs, la collection offre des visions de « Belgiques » singulièrement diverses et marquées souvent par un passé dramatique, familial, ou mélancolique… Evelyne Guzy vient d’y apporter sa contribution dans un nouvel opus traversé de part en part par la question de la mémoire, de sa perte, des souvenirs en incandescence, des entourloupes de cette fameuse mémoire « opportuniste et plastique », comme disent les communicateurs… Au seuil de cette mémoire collective, des mémoires et des « trous de mémoires » individuels. Évidemment dans ce pays plus divisé que jamais, l’histoire collective subit nombre d’érosions… Evelyne Guzy, écrivaine, est également spécialiste de la communication et chercheuse. Elle a consacré une partie importante de sa vie à décrypter ces fameuses montagnes russes de la mémoire collective et en a fait la matière de nombre de ses écrits.

En une dizaine de nouvelles et de récits qui vont de Molenbeek à Knokke-Heist, de Charleroi à Saint-Gilles, ses personnages sont plongés dans des circonstances de commémoration ou de remémoration souvent émouvantes (et historiques)…
Le tropisme du vide n’est pas le signe d’une singularité belge même si l’Histoire de ce pays, la Belgique, est de moins en moins ressentie et connue par les jeunes générations. L’effacement, l’oubli, la corruption des données, l’ignorance de l’histoire, le brûlage des archives semble passer dans ce si petit pays hors magnifiques exceptions, comme une pratique innocente. 

La collection  « Belgiques »  tente, à sa façon, de restituer cette expérience commune, de ramener à la mémoire des pratiques de Belgiques aussi différentes dans leur expression que dans leur dimension générationnelle. Evelyne Guzy nous promène dans une suite de lieux de l’espace public et privé, tous marqués par la lutte contre l’oubli. Bien entendu, nous retrouvons des interrogations communes aux inquiétudes contemporaines, les migrants, les sans-papiers, les groupe d’humains d’un monde que nous voyions comme périphérique et en train de devenir le centre instable. 

Evelyne Guzy porte le regard dans ces vies qui sont une nouvelle façon de raconter notre époque. Et bien entendu, ce qui ne sera pas dit sera le plus intéressant : Evelyne Guzy parvient aussi à nous le faire percevoir de façon limpide.

Daniel Simon

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