Grotesques bruxelloises

Laurent BAYER, La végandelle, Quadrature, 2023, 128 p., 18 €, ISBN : 978-2-931080-34-4

Bayer La végandelleEvelyne se perd dans le dédale des archives du palais de justice. Charmés par leurs échanges virtuels, Bernard et Valérie sont fin prêts pour une rencontre réelle. Anne-Chantal n’a aucune envie de répondre à l’invitation de la baronne, mais les absents ont toujours tort. Employée dans un magasin de vêtements chic, la jeune Melody peine à satisfaire un client exigeant qui broie du noir. Pour reconquérir Isabelle, Antoine a élaboré un plan au minutage essentiel, qu’un imprévu pourrait bien compromettre. Jean-Pierre ne savait que faire de l’héritage de sa tante, jusqu’à une visite au Cimetière du Père-Lachaise. Récemment convertie à l’islam, Latifa entame son premier jeûne du mois de ramadan. Fabrice, Français expatrié à Bruxelles, croyait effectuer une bonne action en rendant visite à Jennyke le jour du réveillon de Noël. Pour concurrencer le cabaret « Chez Mammy », Fred ouvre son propre établissement et devient « Marraine ». Récemment licencié, Arnaud décide de contribuer à un monde meilleur en lançant son propre projet : la fricadelle végane.

À travers ces dix nouvelles, Laurent Bayer nous emmène dans l’intimité de Bruxellois dont les projets dérapent. Car même si l’une des dix histoires se déroule en Corse, on n’aura pas de peine à penser que ses protagonistes sont bruxellois et, quoi qu’il en soit, on ne pourra nier l’autre point commun des récits : le glissement, cet élément perturbateur qui transforme le portrait d’une personnalité relativement ordinaire en une histoire cocasse.

La végandelle, c’est à la fois une galerie de caricatures et un recueil d’histoires drôles. On oscille entre la caméra cachée et la sitcom, on navigue d’un individu un peu paumé à l’autre, attachant, naïf, prétentieux, ridicule ou carrément pitoyable. On s’amuse de leurs aventures, en se payant leur tête au passage, l’air de rien.

L’auteur prône l’humour comme remède. Son intention : extraire le lecteur de la morosité ambiante en lui offrant dix divertissements légers, à déguster frénétiquement l’un après l’autre, ou avec parcimonie, pour faire durer le sourire. Un peu fou du roi, il ne manque pas d’en profiter pour donner un coup de projecteur sur les travers de personnages qu’on s’imagine sans peine croiser dans la capitale. Ce faisant, il permet à Quadrature d’éditer, une fois encore, un recueil très cohérent, de nouvelles ordonnancées avec soin.

Estelle Piraux