Jacques ANCET et Yves NAMUR, La pluie, Méridianes, coll. « Duo », 2019, 20 p., 12 €, ISBN : 978-2-917452-78-3
Dirigée par Pierre Emmanuel, la jeune collection « Duo » repose sur le principe du « dialogue » cher aux livres d’artiste, mais en associant deux poètes. Sollicité dans ce cadre, Jacques Ancet a aussitôt proposé à son vieil ami Yves Namur de collaborer, avec pour base commune ce vers de Roberto Juarroz – dont il avait traduit des entretiens et des poèmes en 2001-2002 – : La pluie tombe sur la pensée, extrait de Poésie verticale, vol. 4. Ayant reçu le feu vert – l’intérêt de Namur pour Juarroz n’est pas un secret depuis Fragments de l’inachevée –, Ancet écrit alors treize textes de sept vers chacun et les envoie à son correspondant. Celui-ci prend le relai, en adoptant un mimétisme quasi parfait quant au style et à la versification : absence de titre, vers libre non rimé, exclusion du « je », emploi systématique du « on » et des tournures impersonnelles, récurrences lexicales (« main », « oiseau », « arbre », « yeux », « toit »…), insistance sur l’incertain et l’approximatif de la pensée. Le lecteur douterait-il, la dualité typographique romain/italique permet de distinguer à coup sûr les deux auteurs. Malgré la présentation généralement alternée des poèmes, il ne s’agit toutefois pas de répliques au sens strict, mais plutôt d’un jeu subtil de relances et d’échos où les septains de Namur tantôt enchainent sur ceux d’Ancet, tantôt les anticipent, les auteurs ayant réglé avec soin leur ordonnancement. Aussi le livret dégage-t-il une grande impression d’unité – l’influence du poème-archétype de Juarroz n’y étant certes pas étrangère. Continuer la lecture