Jean-Pierre BOURS, Indulgences, Paris, Hervé Chopin, 2014, 402 p., 22 €/ePUB : 14.99 €
« Sans doute fallait-il être déraisonnable pour concevoir le projet de faire cohabiter autant de réalité avec autant de légende et autant de fiction », écrit Jean-Pierre Bours, dans l’épilogue de son premier roman historique, Indulgences, édité chez Hervé Chopin. À déraisonnable, nous préférons audacieux, voire carrément bien inspiré.
C’est à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance, dans une société en pleine mutation, que Jean-Pierre Bours nous transporte d’emblée, au cœur d’une époque marquée par les famines, la peste, les guerres, la pauvreté et les injustices, dans laquelle pointent désormais les premiers signes de la Réforme et de la Renaissance incarnés notamment par le théologien dissident Martin Luther, le mystérieux docteur Faust, le peintre Lucas Cranach…
Au cœur de la forêt saxonne, Eva Mathis, accusée de sorcellerie, fuit Meinsdorf, lansquenets et chiens aux trousses, résolue à abandonner sa petite fille sur l’autel d’une l’église, pour la protéger des supplices qui l’attendent. Nous sommes en 1500. Quinze ans plus tard, Margarete, surnommée Gretchen, mène une vie paisible partagée entre les travaux dans les champs et son apprentissage auprès de son amie Freia, sage-femme du village, entourée de ses parents, ses frère et sœur. Son existence bascule quand elle apprend qu’elle est une enfant recueillie. N’importe alors plus pour la jeune fille que la découverte de ses racines. Une intrigue commentée, ci et là, par Méphistophélès lui-même, incarné par un homme aux yeux vairons flanqué d’un chien, dont l’intervention est signalée en italique – l’écriture du diable.
Alternant les portraits de la mère et de la fille, Jean-Pierre Bours ménage parfaitement le suspense de l’intrigue et tient en haleine tout au long du récit. Ému par le destin d’Eva Mathis aux mains de l’Inquisition, vibrant au rythme des épreuves que la vie inflige à Gretchen, fasciné par cette période et ses bouleversements, par les personnages qui ont marqué l’Histoire, le lecteur adore !
Un seul bémol, peut-être, tient au caractère assez caricatural des personnages. Les deux héroïnes sont décrites comme de magnifiques femmes, instruites, vertueuses et convoitées par tous les hommes, ceux-ci n’échappant pas non plus à la caricature : tous sont sous le charme, intrigués voire amoureux des deux femmes, certains, parmi les plus rustres, ne rêvant même que de sexe, qu’il soit consenti ou non. On pardonnera également à l’auteur ses quelques anachronismes et erreurs de vocabulaire.
« […] Par delà mes omissions, mes maladresses, mes imprécisions, je serais heureux si je pouvais m’entendre dire, chères lectrices, amis lecteurs, que ce livre vous a plu ». C’est ainsi que Jean-Pierre Bours clôture son impressionnante fresque. Qu’il en soit assuré !
Marie DEWEZ