Un coup de coeur du Carnet
Grégoire POLET, Barcelona !, Paris, Gallimard, 2015, 478 p., 22 €/ePub : 7.99 €
Quatre copines au seuil de leur vie d’adultes, un journaliste sportif, un vieux libraire bibliophile, un gamin des rues, une artiste peintre, un couple de Français expatriés, un navigateur solitaire, sa mère, son chien, une jeune photo reporter, un homme politique ambitieux, une jeune mariée en robe blanche, un inspecteur de police, un prof de lettres à l’Université, un vieil homme guide bénévole passionné, un chirurgien allemand en colloque, …. à Barcelone.
Ceci n’est pas un inventaire à la Prévert. Ces personnages (et d’autres encore) forment la trame du dernier roman de Grégoire Polet. Mais ce n’est pas tout. Les indignés, Gaudi, la crise, les expulsés de leur logement, le sauvetage des banques, l’économie parallèle d’un squat, les velléités indépendantistes de la Catalogne, la structure architecturale de Barcelone, le choc Barça-Réal Madrid, la noblesse de la littérature, le difficile équilibre – pour plus d’un personnage – entre idéal, compromissions et réalité du quotidien… Tout cela forme un ensemble varié et chatoyant.
Selon l’adage, « qui trop embrasse mal étreint ». Dans Barcelona !, Polet brasse large mais réussit magistralement à tenir à la fois tous les ressorts de son récit en équilibre …et le lecteur en haleine. Les transitions entre les personnages et les situations sont variées et plaisantes ; chaque fil narratif est tenu assez longtemps pour que le personnage prenne de la consistance mais pas trop pour que le précédent n’ait pas le temps de « refroidir » dans la mémoire du lecteur et même quand il (ou un des ses personnages) émet des considérations sur la marche du monde, sur l’économie ou sur la littérature, le récit garde une belle allure narrative sans tomber dans le pensum ou le pontifiant.
D’autre part, l’auteur place le lecteur en position de surplomb par rapport à l’ensemble des personnages et lui procure ainsi une secrète jouissance à voir se côtoyer, au détour d’une scène, des personnages qui ne se connaissent pas et qui ignorent qu’un lecteur les observe et suit leur trajectoire.
Grégoire Polet assume le fait d’utiliser le même procédé que dans deux de ses précédents romans : Madrid ne dort pas et Leurs vies éclatantes. Pourquoi pas après tout ? En tout cas, Barcelona ! se lit avec grand plaisir ; le rythme est vif, l’écriture brillante, les personnages attachants.
Question subsidiaire : avez-vous déjà lu des livres de Carlos Ruiz Zafon ? Est-il à la littérature « ce que le Coca-Cola est au vin du Bordelais » ou un modèle pour un écrivain débutant ?
♦ Lire un extrait de Barcelona! proposé par les éditions Gallimard