Émilie GÄBELE
Comme souvent, Céline Delbecq met en scène un drame familial. Dans Poussière, une mère et ses filles, Marie et Camille, emménagent dans un nouveau logement. Un incendie a ravagé leur ancienne demeure. Elles ont échappé à la mort, mais pas aux blessures, autant physiques que mentales. La mère s’est brûlé les bras alors qu’elle essayait de sauver sa troisième fille, Juliette, décédée dans l’incendie. Une partie du visage de Camille, la benjamine, a été abîmée par les flammes. Depuis, elle porte un masque, sur ordre de sa mère. Ces traces indélébiles rappellent sans cesse l’accident. Marie, l’aînée, n’a rien eu, sauvée de justesse par les pompiers. Alors qu’elle devrait être contente d’en être sortie indemne, elle déplore sa différence et rêverait d’être brûlée elle aussi. C’est le monde à l’envers. La mère pleure beaucoup son enfant disparue. La douleur la plus forte est ancrée profondément en elle. Elle boit beaucoup et sombre peu à peu. La violence prend parfois le dessus. C’est pourquoi elle décide de fuir. Sur sa route, elle croise Georges, un sans-abri au grand cœur. Cet homme simple la trouve belle et a des mots gentils. Imbibée d’alcool, elle s’endort dans ses bras. Au réveil, il l’emporte à travers ses histoires de tour du Monde, parcourant les terres et sautant par-dessus les rivières. À la maison, ses filles l’attendent. Camille trouve le temps long. Sa maman a-t-elle rejoint son père ? Vont-ils revenir ensemble ? Marie prend les choses en mains. Mais comment devenir la protectrice de sa petite sœur quand on n’a que douze ans ?
Céline Delbecq plonge au cœur des rapports complexes entre une mère et ses filles. Chacune jalouse une autre. Elles ne ménagent pas toujours leurs mots. Les attaques et les offenses sont régulières. Par petites touches, la violence ponctue le tableau. Deux grands absents occupent toutes les pensées des personnages : le père qui est parti au Delhaize et n’en est plus jamais revenu, et Juliette qui n’est plus que poussière. Mais le plus souvent, on tait leur nom. Il y a aussi le papy, mais Marie refuse d’aller chez lui. Une histoire familiale qui cache bien des secrets…
Céline Delbecq, Poussière, Carnières, Lansman, 2015, 54 p., 10€