Victoire de CHANGY
Difficile de se figurer autrement, en parcourant Les tremblements essentiels, le visage d’Alma Sol ressemblant traits pour traits à celui de l’auteur qui l’a fait naître de sa plume. Alma Sol, comme Viktor Lazlo, a le teint tanné, des cheveux d’ébène. Alma Sol, comme Viktor Lazlo, impose au public son nom par une représentation à l’Eurovision. Le personnage, comme l’auteur, semble se mouvoir au moins aussi aisément sur la scène que dans les mots et la philosophie. Gageons que les personnalités de ces deux-là se rejoignent, elles aussi, à bien des endroits.
On trouve, dans Les tremblements essentiels, trois narrateurs en un. En un parce que lesdits personnages, pourtant flanqués de personnalités et vécus bien distincts, s’expriment dans l’ouvrage de manières relativement semblables. Si l’on ose prudemment déplorer la chose, on excusera l’auteur : difficile, déjà, de se mettre dans la peau d’un seul personnage qui n’est a priori pas soi… alors de trois ! Pour aider le lecteur, le nom du narrateur en charge de chaque chapitre est posé en préambule de ces derniers.
Ces trois personnages, – Aurèle et le couple déclinant Diane et Damien de Mortagne – n’ont en commun, outre le langage donc, que l’irrépressible fascination qu’ils portent à Alma Sol, célébrité essoufflée disparue sans crier gare.
Aurèle déplore l’absence de celle qu’il aura aimée au premier regard alors qu’il trébuchait, petit et chétif, dans les aléas de sa prime adolescence. De sa rencontre avec Alma, il garde l’intensité et le goût, et ne touche depuis les peaux des femmes que dans l’attente de retrouver la sienne.
Diane, enfant du Borinage, roturière à la peau (et aux émotions) sur les os, a mérité sa particule à coup de sacrifices et d’efforts. Damien de Mortagne, enfant des îles et riche héritier d’une grande lignée, préfère à la maigreur de sa femme la volupté de ses maîtresses colorées. Cela fait bien longtemps que ces deux-là ne se rejoignent plus nulle part… Jusqu’à cette rencontre commune avec Alma Sol lors d’une soirée mondaine de la Place Vendôme. Alma Sol comme dénominateur commun, parce qu’il en faut bien un.
Plongée dans l’ouvrage, j’ai perdu à plusieurs reprises toutes notions du réel, de l’extérieur ; des arrêts de bus loupés, des terminus atteints. Une histoire qui vaut la peine de s’y attarder.
Viktor LAZLO, Les tremblements essentiels, Paris, Albin Michel, 2015, 256 p., 18 €
♦ Lire un extrait des Tremblements essentiels proposé par Albin Michel.