Luc DELFOSSE, Impasse du 30 février, ONLIT, 2015, 202 p., 14 €/ePub : 6,99€, ISBN : 978-2-87560-060-8
Née dans la touffeur d’une colonie en déliquescence, affublée d’un prénom bizarre, Marie-Arsule est la fille d’une passionnée de Giono et d’un père à peu près insignifiant. Venue au monde un 30 mars et déclarée à un service de l’état civil des plus approximatifs, la petite se retrouve, dans la distraction générale, inscrite un 30 février. Ainsi débute le roman Impasse du 30 février que Luc Delfosse publie aux éditions ONLIT.
De retour au pays après ce que l’auteur nomme pudiquement les ultimes « évènements » coloniaux, Marie-Arsule épouse « une vraie andouille », prénommée Gilles-André, tandis que ses parents, installés dans le Sud de la France, disparaissent rapidement dans un accident de la route.
Bénévole hyperactive, auteure de nouvelles sentimentales à destination des ex-coloniaux, l’héroïne supporte mal d’être désargentée :
Ah le pognon ! Marie-Arsule ne demandait pas la lune. Juste de quoi ‘être à l’aise’, se payer tous les 36 du mois une toute petite folie, racheter un pick-up orange, pousser jusqu’à la pointe de la Bretagne ou le château d’Amboise…
Il lui faut un métier : elle sera chauffeuse de camions, avec comme moniteur Monsieur Lucien, un fana de la Pucelle d’Orléans. Dotée d’un permis poids lourd, la robuste conductrice se sent pousser des ailes : elle envoie paître son mari, largue l’ami de Jeanne d’Arc et son comparse et s’en va butiner en province, d’un festival folklorique à la France profonde. Halte dans un hameau où une hôtelière l’accueille à bras ouverts et lui trouve un boulot de livreuse en camionnette. Sa bougeotte l’amène enfin en bord de mer chez un brocanteur joliment nommé Elie Baba. En bout de course, la Pucelle refait surface à la faveur d’une arnaque improbable qui renvoie laconiquement l’héroïne à ses origines.
Delfosse aime les mots. Sans conteste original, son style se délecte à jongler avec les niveaux de langage, de l’apprêté au plus familier, en passant par l’allusif et le wallonisant. Son récit nourri de fantaisie oscille entre la bluette et les Pieds-Nickelés, ne dédaignant pas les digressions ou les raccourcis, parfois aux dépens de sa lisibilité.
René Begon
♦ Écouter un extrait d’Impasse du 30 février lu par Luc Delfosse sur SonaLitté