Patrick PARMENTIER, La chambre sourde, Memory, 2015, 188 p., 17€
Élisa avait été une pianiste de renommée internationale. Pour l’heure, malgré les protestations de sa famille, elle s’est installée, à 83 ans, dans un home où, atteinte d’un cancer incurable, elle tient le journal de sa vie, bien décidée à anticiper sa dernière heure lorsqu’elle se sentira trop amoindrie. C’est ce journal qui fait l’objet de La chambre sourde, le roman de Patrick Parmentier.
Élisa est une femme rebelle et autoritaire qui aime les siens sans trop leur montrer et qui se complait désormais dans une complicité partagée entre Marion, sa jeune infirmière, et l’arbre qui ombrage sa chambre. C’est aussi une femme riche qui, par des spéculations judicieuses, a pu acquérir une énorme fortune que, sauf interventions discrètes, elle cache à ses enfants et petits-enfants, non pour les frustrer, mais pour les protéger jusqu’à sa mort contre les tentations pernicieuses de l’argent facile.
Le journal d’Élisa se partage entre les conversations avec Marion, à la fois très complice et gentiment critique face à cette femme altière, et les péripéties d’une vie d’artiste aussi intense sur le plan professionnel que sentimental. Avec, en chemin, la révélation d’un autre vécu qui, en dépit des apparences, en vient à éclairer sa nature profonde. Lors d’une tournée au Brésil, elle a pris conscience de la grande misère des enfants de la rue et consacre une partie de son immense fortune à la création et à l’entretien d’une fondation dont elle a confié la gestion à Kathy, une femme qui partage ses vues altruistes. Celle-ci, avec Marion et toute la postérité d’Élisa, assistera aussi au dernier acte mis minutieusement en scène par la pianiste. Soucieuse de connaître une mort digne et exempte de souffrances inutiles, Élisa a loué un château en Ardenne où elle a réuni tout ce monde pour accompagner ses derniers jours dûment programmés, mais aussi pour s’expliquer et pour exprimer l’amour, sans doute maladroit, mais intense, qu’elle voue à ses enfants. Et cela après s’être confiée à une caméra et à la faveur de la dernière fête familiale qu’elle a voulue, avant de congédier tout le monde et de s’éteindre seule dans sa chambre.
Patrick Parmentier signe ainsi un portrait tout en nuances et en contrastes qui attestent la réalité humaine de cette âme forte, à la fois égocentrique et généreuse, en soulevant aussi la délicate et très actuelle problématique de la mort volontaire.
Ghislain Cotton