Au bonheur des dames


Eva KAVIAN, Le trésor d’Hugo Doigny,  Bruxelles, Luc Pire, 2015, 135 p., 10 €/ePub : 6.49€

kavianC’est au cœur de Namur que l’auteure malonnoise Eva Kavian transporte le lecteur. On y suit Hugo, historien n’ayant jamais obtenu le moindre diplôme, passionné de sa ville et de lecture et guide saisonnier depuis cinq ans à la majestueuse Citadelle. Mais Le Trésor d’Hugo Doigny, c’est aussi l’histoire de femmes, de beaucoup de femmes ! Il y a d’abord Charlotte, ensuite Vinciane, Laetitia, Ginette, Brigitte et enfin Axelle. Leur point commun : toutes sont tristes, seules ou abandonnées par leur mari.

« Plus jamais il ne laisserait une femme souffrir, il se l’était juré. Tout ce qui était en son pouvoir pour le bonheur d’une femme, il le mettrait en œuvre. Son œuvre. » Ainsi Hugo consacre-t-il ses longs mois d’hibernation, loin des « horaires de dingue en français, néerlandais et anglais », à conquérir le cœur de ces dames et à les rendre heureuses en les demandant en mariage… Pourquoi ce serment ? Au fur et à mesure des pages tournées, les questions affluent, en même temps qu’on en apprend toujours plus sur le passé – douloureux – d’Hugo. Derrière ce solitaire attachant au(x) secret(s) inavouable(s), Montois d’origine installé à Namur depuis dix ans dans un appartement de la rue des Brasseurs, se cache une personnalité complexe marquée par la mort prématurée de ses parents dans un accident de voiture et par sa relation avec Marlène, historienne engagée comme guide d’été à la Citadelle, qui l’a quitté après deux années d’amour…

À travers son mystérieux héros, Eva Kavian nous emmène pour une petite balade à travers l’architecture, les curiosités, le patrimoine et les bonnes adresses de Namur. Le lecteur se laisse volontiers enivrer par les effluves de torréfaction des Cafés Delahaut et les essences de la Parfumerie Guy Delforge, conduire dans les galeries des souterrains de la Citadelle, conter le passé prestigieux de la capitale wallonne, imprégner de l’ambiance délicieusement provinciale de ses rues, cafés et restaurants.

Avec son style simple et ses personnages variés – Chrichri, la directrice overbookée du service Animation de la Citadelle, Régis, libraire avisé de chez Point Virgule, Vinciane, « sympa mais moche », Laetitia, aux « lolos farcis d’œstrogènes », Ginette, « puante, sale, indigente », Axelle, « au crâne somptueux » ou encore Françoise avec sa « préférence pour les jeunes trentenaires bien bâtis » – l’auteure signe une histoire où l’humour et la dérision côtoient subtilement malheur et tragédie et dont le titre offre un sympathique clin d’œil aux remarquables pièces, bien connues des Namurois, exécutées par l’atelier du moine et orfèvre mosan du prieuré d’Oignies, au XIIIe siècle.

Avec ce roman, Eva Kavian renoue avec le public adulte qu’elle avait quelque peu délaissé pour se consacrer à des publications jeunesse. Il reste à espérer que ce petit polar, treizième opus de la collection « Kill and read » des « Romans de gare », puisse rencontrer un public autre que namurois…

Marie DEWEZ 

♦ Lire un extrait proposé par Librel