Séverine RADOUX
Le récit s’ouvre sur une description en plongée du Sanctuaire, une cité de pierres blanches entourée d’une épaisse forêt de conifères. Bien que sa position en contrebas d’une falaise la rende vulnérable, aucune muraille ou armée n’est présente pour la protéger. Et pour cause, cette cité idéale est dédiée à la paix. C’est dans cet endroit formant un carré parfait, avec ses bâtiments et ses rues à la taille identique, que « depuis deux cents ans se défont les projets de guerre et se construisent les paix les plus durables ». Lieu de rencontre des diplomates du continent entier, le Sanctuaire permet de régler les querelles territoriales, au même titre que les accords et les traités, grâce à un élément clé : la cartographie (« À présent, les tracés des frontières se négocient sur le papier plutôt que sur les champs de bataille »).
Angel, un jeune homme fraîchement diplômé en cartographie, arrive dans cette cité idéale, sa convocation en main. Voguant un peu à la dérive depuis la mort subite de son maître, il se demande pourquoi les diplomates font appel à lui.
Bien sûr, je me doute bien que je vais être envoyé vers quelque région pour y réaliser des relevés que je coucherai sur papier. C’est cela qu’on attend d’un cartographe. Mais une commande provenant directement du Sanctuaire est inimaginable pour moi comme pour la quasi-totalité de mes pairs. Plus qu’un autre, je me dois, vu mon jeune âge et la réputation de mon maître regretté, de justifier le choix de ma personne. D’ailleurs ce choix reste une énigme. Pourquoi diable ont-il fait appel à moi ?
Dès qu’il entre dans la cité idéale, Angel est frappé par une surdité soudaine. Sa curiosité, mâtinée d’une pointe d’inquiétude, est titillée lorsqu’il apprend que le Sanctuaire est déserté pour le moment et que des soldats patrouillent dans la forêt. Tour à tour intrigué et amusé, le lecteur suit les pensées de ce personnage très émotif, peu sûr de lui et fort enclin à l’autojustification. Sur son chemin, il croise un « camarade » de sa promotion, Justus, qu’il a toujours détesté pour sa pédanterie. On s’attendrait à ce que les deux personnages se réconcilient (l’hostilité est réciproque) afin d’élucider le mystère qui plane sur la cité. Que nenni ! Les deux hommes tentent de percer les tensions inquiétantes du Sanctuaire, tout en s’épiant mutuellement, avançant des hypothèses sur les raisons du comportement de l’autre. Ils ont en outre la bonne idée de s’enticher de la même lavandière. S’en suit un ballet où ils s’évitent, tout en essayant de rencontrer « comme par hasard » la belle qui a ravi leur cœur. Il en ressort quelques situations cocasses…
Dans ce récit, la psychologie des personnages est finement travaillée et l’alternance du point de vue d’Angel et Justus à travers un narrateur à la première personne permet de mettre en évidence la complexité des relations humaines. On découvre en effet à plusieurs reprises les interprétations de chaque héros sur les actes de l’autre, interprétations déformées par la subjectivité de chacun (peurs, rancœur,…) et le manque d’informations objectives sur certaines situations.
Aux prises avec une menace de guerre réputée impossible (« Le Sanctuaire est un lieu à part, réputé sans crime ni vol, mais les portes ont quand même des serrures et les livres précieux des chaînes pour les retenir aux étagères des bibliothèques »), Angel et Justus devront prendre une décision difficile et irréversible. Que vont choisir ces deux héros diamétralement opposés ? Sauver leur vie de cet engrenage qui leur échappe ou tenter de mettre fin à cette machine prête à écraser tout sur son passage ?
L’ambassade des anges est le deuxième roman de Benoît Renneson. Il est classé dans la catégorie de la fantasy, mais l’univers du genre n’apparaît pas à travers des monstres ou des personnages aux pouvoirs magiques spectaculaires. L’auteur accorde une grande place à la description de l’atmosphère du Sanctuaire, disséminant ça et là des petites touches mystérieuses, laissées à l’appréciation du lecteur. Cette proposition de cité idéale possédant sa propre autonomie, dont l’uniformisation architecturale déteint sur l’organisation politique et les conceptions intellectuelles de ses habitants ne manque pas de susciter des questions sur la paix et les moyens d’y arriver, cette fameuse utopie à laquelle tout le monde rêve.
Malgré l’intérêt que suscite le thème du roman, deux faiblesses altèrent la qualité du récit. La première : plusieurs fautes d’orthographe et de style ternissent le plaisir de la lecture. La seconde : quelques explications supplémentaires sur l’enjeu précis de la guerre qui se profile et les personnes impliquées auraient accentué la tension dramatique du récit et de facto le suspense.
Benoît RENNESON, L’ambassade des anges, Montélimar, Les moutons électriques, coll. « Hélios », 2015, 190p. , 6,90€
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