Archives par étiquette : utopie

L’amour-camaraderie

Christine DELMOTTE-WEBER, La cabane d’Alexandra Kollontaï, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2022, 112 p., 10 €, ISBN : 9782931101599

delmotte weber la cabane d'alexandra kollontaiAlix rencontre Julia, par l’intermédiaire d’une amie commune. Dès les premières secondes passées ensemble, elles tombent dans les bras l’une de l’autre. S’ensuit une relation. Julia est aussi en couple avec Samuel. Enfin, « en couple » n’est pas tout à fait le terme approprié. Samuel goûte aux joies du polyamour et n’a pas moins de quatre relations au même moment. Il encourage Julia dans cette voie, mais elle est plus réticente. Des pointes de jalousie surgissent, surtout quand Alix rencontre Samuel et que ces deux-là se plaisent à leur tour. Alix découvre ce nouveau mode de relations. Leur rencontre a lieu dans la cabane de Samuel, un lieu retiré où il désire vivre autrement. Son rêve serait de s’épanouir au sein d’un polycule, c’est-à-dire un groupe polyamoureux. Selon lui, le couple ne laisse pas de place à l’individualité. Sa référence dans le domaine est Alexandra Kollontaï, une communiste et militante féministe marxiste soviétique, qui a forgé une nouvelle conception du monde. Il a d’ailleurs donné son nom à sa cabane. Continuer la lecture

Utopie, dystopie et Cités obscures

MONDES imPARFAITS. Autour des Cités obscures de Schuiten et Peeters, Impressions Nouvelles et Maison d’Ailleurs, 2019, 128 p., 28,50 €, ISBN : 978-2-87449-730-8

À l’occasion de l’exposition MONDES imPARFAITS. Autour des cités obscures paraît l’ouvrage éponyme interrogeant la question de l’utopie et de la dystopie. Illustré de dessins rares de François Schuiten, de nombreux documents, d’un long entretien entre Marc Atallah, Schuiten et Peeters, de textes de François Rosset et Marc Atallah, le livre questionne la naissance, la genèse de l’utopie (de Thomas More, Francis Bacon à Campanella, Cyrano de Bergerac, Marivaux…, sans oublier les précurseurs, Platon, Lucien de Samosate…), l’avènement de la dystopie avec Zamiatine, Huxley, Orwell et la présence d’un schème utopique/dystopique dans les Cités obscures. Projet de société idéale, planification d’un bonheur collectif, l’utopie témoigne en son étymologie de l’oscillation qui porte sa visée d’une cité parfaite : elle est à la fois « u-topos », « d’aucun lieu », et « eu-topos », « un lieu bon », prisonnière de l’imaginaire et rêve promis à sa réalisation. Continuer la lecture

Le jour où la toile s’est déchirée

Quentin JARDON, Alexandria : les pionniers du web, Gallimard, 2019, 243 p., 21.50 € / ePub : 15.99 €, ISBN : 978-2-07-285287-9

Quentin Jardon AlexandriaC’est énoncer un lieu commun que de dire que les technologies évoluent vite, imposent en quelques années leur usage comme une évidence de toujours, nous entraînant dans une danse qui donne le tournis. Au point que l’on doive parler de fracture numérique touchant ceux qui ont manqué une étape ! Et surtout de nous faire oublier comment était le monde d’avant, de faire passer dans l’ombre le chemin par lequel elles sont nées et surtout les choix ou non-choix qui leur ont permis de s’implanter dans notre vie. Continuer la lecture

« Oui, murmura-t-il, quel tas de blagues…»

Un coup de cœur du Carnet

Albert T’SERSTEVENS, Un apostolat, Suivi de Un apostolat d’A. t’Serstevens : misère de l’utopie de J.-P. Martinet, Rocher, coll. « Motifs », 2018, 340 p., 9,5 €, ISBN : 979-10-95071-33-4

t serstevens un apostolatNulle trace de lui dans le fort volume Littératures belges de langue française signé Berg et Halen ni dans l’histoire collective de la littérature belge francophone parue chez Fayard en 2003. À peine une maigre notice dans le Dictionnaire des œuvres de Frickx et Trousson, et encore, rendue inaccessible par une erreur d’indexation… L’absence d’Albert t’Serstevens (1886-1974) dans les ouvrages de références est douloureuse, surtout à qui vient d’achever, éberlué, Un apostolat et cherche à en connaître davantage sur son auteur. Alors, autant retourner aux fondamentaux et le dénicher chez Camille Hanlet, où lui est accordée, dans l’introduction des Écrivains belges 1800-1946, une mention unique, mais qui permet peut-être de comprendre pourquoi cet écrivain nous aura échappé : « […] nous laissons volontairement de côté certains auteurs, Belges de naissance et d’éducation, mais devenus Français par l’habitat, qui semblent avoir de parti pris renié toute attache littéraire avec leur patrie et dont les œuvres, tellement imprégnées de l’esprit français, ne conservent plus rien de spécifiquement belge. C’est cependant encore un honneur pour la littérature belge d’avoir donné ces écrivains à la France, qui a été fière de les adopter et de consacrer leur talent. » Hanlet range, parmi ces fils prodigues jamais revenus, J.-H. Rosny, le dramaturge Henry Kistemaekers et un certain… Albert t’Serstevens. Continuer la lecture

Au cœur du magma

LUVAN, Susto, La Volte, 2018, 400 p., 18 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 9782370490551

luvan sustoIl n’est pas anodin que Susto s’ouvre sur une citation d’Alberto Manguel affirmant la puissance de l’imagination. Un jour, l’auteur argentin lira le roman de luvan, parce que les livres ont leur destin, et augmentera la prochaine édition de son indispensable Dictionnaire des lieux imaginaires. Continuer la lecture

Concours de nouvelles « Utopies » : les lauréats

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La remise des Prix à la Bibliothèque de Saint-Josse

Le grand concours de nouvelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles avait cette année pour thème Utopies. Les lauréats ont été dévoilés samedi, lors d’une cérémonie à la Bibliothèque de Saint-Josse. Le Grand Prix, doté de 1.000 € va à François Bertleff, pour la nouvelle « Au carrefour à droite ». Les 8 textes lauréats ont par ailleurs fait l’objet d’une publication en recueil, à télécharger ici

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Une aventure hasardeuse

Daniel CHARNEUX, More. Essai – variations, préface de Geneviève Bergé, M.E.O., 2015, 181 p. , 16 € /ePub : 9.99 €               

More Invité à écrire une Vie de saint pour une collection qui fera long feu, faute de moyens, Daniel Charneux, qui avait répondu positivement à cette sollicitation, a continué le travail de recherche qu’il avait déjà amorcé et pour lequel il s’était pris d‘un grand intérêt. Il se cherchera dès lors un autre éditeur. Ce sera, selon son mot,  la « biofiction » du saint de son choix, Thomas More, ami d’Erasme, grand chancelier d’Angleterre sous Henri VIII, décapité sur l’ordre de son roi pour avoir refusé de reconnaître son autorité religieuse anti-papale, et ensuite canonisé au sein de l’église catholique.  Pourquoi avoir choisi ce personnage, inattendu à côté des vies de saints qu’il a pu déchiffrer lors de ses études de philologie romane, quand prévalaient encore les  lettres médiévales ? Daniel Charneux s’en explique en toute simplicité : c’est une série de petits incidents survenus dans son enfance qui le lient à cette figure étonnante, fût-ce, par exemple, la rencontre de son nom,  de deux de ses portraits et de sa notice dans son premier dictionnaire Larousse. Le tout lié au souvenir de son père, de l’école, et de ce moment de la découverte du monde. Continuer la lecture

Menace diplomatique

Séverine RADOUX

rennesonLe récit s’ouvre sur une description en plongée du Sanctuaire, une cité de pierres blanches entourée d’une épaisse forêt de conifères. Bien que sa position en contrebas d’une falaise la rende vulnérable, aucune muraille ou armée n’est présente pour la protéger. Et pour cause, cette cité idéale est dédiée à la paix. C’est dans cet endroit formant un carré parfait, avec ses bâtiments et ses rues à la taille identique, que « depuis deux cents ans se défont les projets de guerre et se construisent les paix les plus durables ». Lieu de rencontre des diplomates du continent entier, le Sanctuaire permet de régler les querelles territoriales, au même titre que les accords et les traités, grâce à un élément clé : la cartographie (« À présent, les tracés des frontières se négocient sur le papier plutôt que sur les champs de bataille »). Continuer la lecture