Juan d’OULTREMONT, Compte à rebours, Bruxelles, Onlit-Editions, 2015, 233 p., 16€/ePub : 7,99 €
Recycler discrètement ses obsessions personnelles, n’est-ce pas l’un des enjeux de l’écriture romanesque ? Question que se pose le lecteur à la lecture de Compte à rebours, curieux roman épistolaire de l’artiste touche à tout Juan d’Oultremont. Une visite sur l’étonnant site Internet de l’intéressé convainc qu’il doit être brouillé avec l’orthographe, comme son héros lausannois, Judas Klaus-Thauman. D’Oultremont assume : alors que d’autres chercheraient à dissimuler leur lacune ou prendraient des cours particuliers, son personnage ambitionne de créer un service à dîner dont les pièces s’orneraient de ses fautes d’orthographe les plus mémorables.
La construction de Compte à rebours suggère une sorte de performance scripturale, au sens qu’on donne à cette notion en art contemporain. C’est un texte qui se déroule comme s’il résultait de la concrétisation d’un protocole numérique. D’ailleurs, les nouvelles technologies y jouent un rôle considérable. La quatrième de couverture fournit une description limpide du dispositif mis en place :
Judas Klaus-Thauman reçoit un courriel d’une jeune inconnue. Elle désire lui envoyer chaque lundi un nouvel épisode de son feuilleton culinaire. En retour, il promet de lui écrire chaque jour durant un an : un compte à rebours au terme duquel … il la demandera en mariage !
« La machine est lancée », lit-on à la fin du Précompte. Dès lors, s’enclenche un déroulement annuel, au lendemain de l’inhumation de l’artiste bruxelloise Marthe Wéry (décédée le 8 février 2005). Le texte égrène en de courts chapitres les échanges de courriels entre les deux protagonistes, Judas et la trapéziste Décibell Blancherie, dans une numérotation décroissante, commençant par le n° 365 et devant en principe s’achever par le n° 1.
La demande en mariage fait débat, car Décibell prétend être déjà mariée à une sorte de terroriste incarcéré, à moins qu’il ne s’agisse d’un pilote de course. De son côté, Judas décrit par le menu sa dysorthographie, ses manies, ses phobies, alors que la trapéziste s’illustre par une foule d’observations plus saugrenues l’une que l’autre, le tout manifestant un sens assez jubilatoire du détail absurde.
René BEGON