Tu sais où tu vas

Robert SCHAUS, Tu sais où tu vas, Krautgarten, 2015.
Bruno KARTHEUSER, Robert Schaus memento 1939-2015, édition bilingue allemand-français, Krautgarten, 2015.

Né à Emmels en 1939, le poète Robert Schaus nous a quittés durant l’hiver dernier. Homme riche de deux cultures (et même de trois puisqu’il fut longtemps professeur d’anglais), il a construit une œuvre double, publiant tantôt en allemand, tantôt en français. Comme l’écrit son ami Bruno Kartheuser dans un Memento qui illustre l’existence du poète parmi les siens (famille, amis, confrères) en des temps et des lieux tellement significatifs : « Dans le cadre des Cantons de l’Est, une vie de 1939 à 2015 comprend […] la guerre en 1940, le vécu de l’offensive des Ardennes et la fin de la guerre, les années de la reconstruction et de la transformation de la culture paysanne, le passage à l’autonomie culturelle dès 1970 et finalement les débuts cahotants et clopinants de cette dernière pendant quatre décennies. » Par ailleurs plasticien, Robert Schaus a publié à partir de 1972 treize recueils de poésie, dont sept en français.

Paru posthumement aux éditions de la riche et importante revue Krautgarten (qu’il contribua longtemps à animer aux côtés de Bruno Kartheuser, son fondateur), Tu sais où tu vas rassemble ses derniers poèmes composés de 2009 à 2013. Aucun des cent dix textes n’est titré. Quant au titre du recueil, qui pourrait sonner comme un glas et ainsi égarer le lecteur, Albert Moxhet l’éclaire dans une préface intitulée Robert Schaus : comme on s’étudie sans narcissisme dans un miroir. « […] si le titre du recueil, Tu sais où tu vas, est le dernier vers d’un des textes, il n’est pas indifférent de citer celui qui l’y précède : aucune surprise ne te menace. Et nous trouvons là, dans la phrase complète, l’expression concise d’une constatation que, dans les derniers temps de sa vie, Robert avait livrée à quelques amis proches. Il avait, en effet, l’impression, dans la vie comme dans ses travaux artistiques, de parcourir un long itinéraire qui le ramenait toujours à son point de départ. » Comme chez les peuples premiers notamment, le temps, pour Robert Schaus, « n’est pas une ligne mais un cycle ».

Glissons-nous donc dans le cercle du poète en découvrant ci-après les cinq premiers vers du premier poème suivis des cinq derniers vers du dernier, jusqu’au tournis !

Dans une chambre

en compagnie de mots mal choisis

tu t’allonges au plus profond

de ton rêve

sur des fleurs mystérieuses […]

[…] toutes les paroles sont vaines

quand l’automne est passé par là

les neiges d’hiver vont à la mer

et aujourd’hui une fois de plus

mes pas me ramènent chez moi

Christian LIBENS