Vertige de l’amour

Françoise PIRART, Vertigineuse, Avin, Luce Wilquin, 2016, 174 p.

pirart vertigineuseSi vous ne croyez pas/plus à l’amour, si vous n’avez pas/plus foi dans le genre romanesque, ne lisez pas ce roman d’amour. Mais si vous avez toujours, au fond de vous et à la surface de la peau, la flamme pour les brûlures du cœur et de la fiction, Vertigineuse est pour vous. Vous y trouverez les ingrédients qui embrasent Margot et lui font verser des larmes : une rencontre entre deux êtres que tout sépare mais que la loi universelle de l’attraction aimante, des retrouvailles sur un quai de gare (plutôt deux fois qu’une), des ébats en forêt, en camionnette et en chambre, des pas avec et pas sans toi, des non-dits, des trahisons… D’autres choses encore, qui dépassent le genre et font la singularité du livre : une forme d’engagement artistique et politique sur l’univers carcéral, des débats (parfois convenus) sur la peine de mort mais qui trouvent leur force dans la confrontation avec la vie.

Lors d’un atelier de dessin que Siri, illustratrice, donne dans une prison de la région bruxelloise, Dorian, un détenu, fait d’elle un portrait au fusain, un portrait qui la trouble, « par l’intensité que l’homme avait pu mettre dans son regard », au point qu’ensuite elle évite ses yeux pénétrants, rêve de lui la nuit et que sa gorge se serre quand, un jour, elle comprend qu’il a quitté l’établissement. Elle le retrouvera par hasard alors qu’elle se rend chez son éditeur. Et Françoise Pirart de s’/nous interroger : « Les rencontres improbables ne sont-elles que le fruit du hasard ? » L’improbabilité de cette rencontre vient de ce que ces deux êtres ont vécu leurs premières années dans des conditions particulières : elle, adoptée à l’âge de deux ans ; lui, élevé dans une caravane puis dans des centres de détention. Qu’ils vivent dans un rapport à la mort, à l’avenir troublé : elle, atteinte d’une maladie dégénérative ; lui, nous ne le révélerons pas, mais une certaine violence toujours au bord de s’actualiser pourrait en être le signe. Ils vont devoir apprendre à aimer avec ce qu’ils ont été et ce qu’ils sont. Siri sera mise à l’épreuve à plusieurs reprises. Pensant approcher la vérité de Dorian, elle s’enferrera plus profondément dans son mystère, ce mystère qui lui est propre, mais aussi dans celui que Werner Lambersy appelle « l’universel secret dont nous sommes porteurs ». Qu’il faut accepter de rencontrer pour aimer. Et être aimé.e.

Michel ZUMKIR