Il est bien trop court, ce temps des cerises

Aurélien DONY et Claude RAUCY, Le temps des noyaux, M.E.O., 2016, 100 p., 14€/ePub : 8.49€

Le temps des noyauxLa première guerre mondiale fait rage depuis quatre ans. La fin approche doucement, mais personne ne le sait encore. Du côté de Liège, en Belgique occupée, vit la famille Loizeau. Amputée d’une partie de ses membres, cette famille de fermiers essaie tant bien que mal de tenir le cap. La ferme héberge encore trois générations sous son toit : le fils cadet, Julien, la mère et la grand-mère paternelle.

Le père a été déporté en Allemagne pour y travailler, tandis que le fils aîné, Emile, est mort au tout début du conflit, dans l’explosion du fort Loncin. La mère craint que le père ne revienne pas et pleure son enfant disparu. Elle trouve toujours quelque chose à redire à Julien dont une malformation au pied a empêché sa mobilisation. Ce dernier est frêle comme un moineau. Il donne toutefois toute son énergie pour aider sa mère à la ferme. Il passe le peu de temps libre qu’il lui reste à rêver au bord de la rivière et à attendre le héron, cet échassier, symbole de la passion aveugle. Arrive un jour à la ferme un jeune déserteur allemand, Franz, qui a sauté du train. Julien accepte de le cacher dans la grange et omet de révéler les vraies origines du pensionnaire aux occupantes de la ferme. Une amitié lie rapidement les deux jeunes hommes, mêlée d’un certain trouble lorsque leurs regards se croisent. C’est le mois de juin. La nature est dense et offre ses plus beaux fruits. Une envie irrésistible de croquer dedans se fait ressentir. Mais quand toutes les cerises auront été mangées, il ne restera plus que les noyaux.

Aurélien Dony et Claude Raucy nous content l’histoire d’un amour impossible, un amour condamné par l’Église, qui plus est entre deux personnes de clans ennemis. Les deux auteurs, dont l’un pourrait être le grand-père de l’autre, sont en parfaite symbiose littéraire. Ce récit à quatre mains semble être écrit d’une seule plume, tant le style, sobre et élégant à la fois, se tient du début à la fin. La jeunesse et la fraîcheur poétique de l’un se mêlent parfaitement au regard et à la plume aguerris de l’autre. Une belle histoire qui ne trouvera peut-être pas sa fin joyeuse, mais qui verra le terme de ce long conflit militaire.

Émilie GÄBELE