Karine LAMBERT, Eh bien dansons maintenant !, J.C. Lattès, 2016, 282 p., 17 €/ePub : 11.99 €
Marcel perd brutalement sa femme Nora, le grand amour de sa vie ; tous deux vivaient dans la nostalgie du pays perdu, l’Algérie. Marguerite devient la veuve d’Henry, le notaire respecté, auprès de qui elle a passé une vie terne. À l’âge de 78 ans, que peut-elle encore envisager de vivre ? D’autant qu’elle porte un deuil plus ancien, celui de sa sœur Hélène morte accidentellement cinquante ans plus tôt, qui a éteint toute joie dans son existence. Deux expériences de deuils radicalement différentes, décrites en contrepoint : celle d’un bonheur interrompu et celle d’un manque de vie.
Et puis la rencontre. Est-ce un concours de circonstances, le destin ou le hasard, ainsi que le résume le thème de la dissertation de philo du petit-fils ? « On ne refuse pas la chance », lui répétait le père de Marguerite. Mais a-t-on droit à une deuxième chance, a-t-on le droit de revivre ?
Marguerite va devoir imposer une autre image d’elle, persuader son entourage qu’elle n’est pas aussi dépourvue de moyens que ce qu’on s’imagine. Elle va devoir affronter les conventions sociales et les a priori qui la mènent à la déresponsabilisation, au projet tout tracé d’une maison de retraite. Marcel va, lui, devoir se persuader qu’il peut regarder les étoiles avec quelqu’un d’autre que Nora à ses côtés. Là aussi, le récit se construit en contrepoint, les réactions de la fille de l’un contrastant avec celles du fils de l’autre.
À la certitude lentement construite de Marcel répond l’hésitation de Marguerite qui ne s’oppose que trop faiblement à ce que l’on veut pour elle. Jusqu’à ce que Nénette lui raconte sa triste vie à elle.
Le roman tisse lentement les fils des existences passées et de leurs intrications dans une vie nouvelle, posant régulièrement la question de ce qui aurait pu être si…
Karine Lambert mène habilement, de manière lisse, une histoire qui n’est pas dépourvue de clichés, en jouant (trop?) fortement sur le registre de l’émotion, mais en rendant attachants les personnages de Marguerite et de Marcel.
Joseph DUHAMEL