Pauvre Michaël !

Michel THAUVOYE, Un dernier ver ? , Cactus inébranlable éditions, 2016

thauvoye « Que peut-il arriver à un pt’it black, vêtu de sombre, (qui parcourt) la campagne par une nuit sans lune » ? [1]  Rien de bon assurément, répondrez-vous et vous aurez mille fois raisons.

Dans ces diverses nouvelles, des pièges multiples et insoupçonnés  se referment sur le pauvre Michaël, personnage central et récurrent du recueil. Il est victime d’une fatalité aussi implacable qu’improbable, procédant selon un mécanisme à ce point tordu, qu’elle en devient absurde et drôle. Michaël est à sa façon une attachante reine des pommes, il meurt plusieurs fois dans le recueil, parfois avec le sourire, parce qu’il croit, au moment de mourir, assouvir une petite vengeance et obtenir une maigre consolation.  Rien d’important, ni de certain d’ailleurs, mais Michaël a appris, au fil des récits que lui fait vivre son auteur, à se contenter de peu.

Michaël n’est pas un saint, il est prêt à tout pour décrocher un emploi, se venger d’un ami qui a séduit sa femme, régler ses comptes avec un beau-frère en plein repas familial, garder une compagne coûte que coûte quitte à lui cacher la mort de son frère, séduire la jeune et future épouse de son père… Mais les personnages qu’il fréquente ne sont pas non plus des anges.  À l’image de cette mère et de sa fille qui se moquent ouvertement de ses prestations sexuelles, de  sa compagne Lucie qui l’emmène érotiquement mais sûrement vers des terrains plus que  glissants, de ce patriarche qui lui déclare n’avoir jamais eu de fils, de ce Frank qui va faire mortellement foirer, de par sa personnalité ingérable, un coup qui s’annonçait pourtant d’une facilité enfantine…

Certains disent que la chute est l’élément important dans la pratique de la nouvelle. Michel Thauvoye  réussit habilement à en mettre plusieurs sous apesanteur, la nouvelle s’achevant quand son personnage est en train de tomber, figeant l’instant qui fait passer de vie à trépas.

Un dernier ver ? offre des nouvelles dramatiquement légères, dans une écriture fluide qui utilise des ingrédients de la littérature noire : un personnage central masculin, du sexe, de la violence… qui ne servent pas à installer la virilité d’un héros – et c’est là un point remarquable – mais qui fonctionnent comme des ressorts cassés  et « cassants » de l’histoire. Car ici les ressorts ont tendance à être à l’origine de rebondissements qui suivent une trajectoire non pas verticale, mais biaisée qui tend vers l’horizontal.

Laurence GHIGNY

[1] « L’homme invisible », p.51.