Un coup de coeur du Carnet
Vincent ENGEL, Le miroir des illusions, Les Escales, 2016, 509 p., 21,9 €, ePub : 14.99 € ISBN : 978-2-36569-191-8
Octobre 1849, dans l’étude d’un notaire genevois, Atanasio assiste au rendez-vous qui changera le cours de sa vie, levant le voile sur son passé et le chargeant d’une mission pour l’avenir. Le même jour, le jeune homme découvre que Don Carlo, son protecteur de toujours, était en réalité son père et qu’il a fait de lui son héritier, posant toutefois une condition de taille. Pour bénéficier de la fortune de Don Carlo, Atanasio devra d’abord le venger en éliminant, suivant des consignes précises, quatre personnes désignées comme les artisans de son malheur.
Acceptera-t-il cette mission ? Si oui, comment orchestrera-t-il ses méfaits ? Parviendra-t-il à venger cet homme mystérieux qui n’a pas souhaité reconnaître sa paternité de son vivant ? Ces questions resteront en suspens car le récit fait rapidement un bond en arrière pour exposer les prémices de ce désir de vengeance et présenter les personnages visés par cette dernière. Venise, Milan, Berlin, San Francisco… De ville en ville, passant du point de vue d’un personnage à celui d’un autre, les fragments de l’histoire se complètent pour former le récit de ce qui a mené Don Carlo à tant d’animosité, avant de retrouver Atanasio et les suites de son rendez-vous décisif.
Le miroir des illusions est une sorte de puzzle dont on comprend rapidement que l’on n’aura pas toutes les pièces en main avant le dénouement. On passe d’un personnage à l’autre, toujours à la 3e personne mais vivant chaque moment à travers une certaine subjectivité et essayant, en tant que spectateur, d’en retirer une vue d’ensemble objective. Jusqu’au bout, le lecteur est tenu en haleine et cherche à en savoir plus.
Les personnages principaux apparaissent souvent vils, malveillants, égocentriques mais la diversité des points de vue fait qu’on se prend à compatir tour à tour à la souffrance de la victime puis du bourreau. Rien ni personne n’est tout blanc ou tout noir mais une place prépondérante est laissée à la part d’ombre de chacun, sans toutefois négliger ses espoirs déçus et ses rêves avortés. Chaque histoire d’amour a ses contrariétés, chaque sentiment de haine s’accompagne de moments de doute voire de remords.
Le miroir des illusions est un roman passionnant, haletant et tout en nuances. L’écriture y est travaillée, ciselée pour rendre compte au mieux de la diversité des sentiments en présence. Le niveau de langue est soutenu, en accord avec l’époque et les milieux qui accueillent les événements narrés.
Les amateurs de l’ensemble italien créé par Vincent Engel apprécieront sans nul doute ce dernier roman. De leur côté, ceux qui le découvriront à travers ce Miroir – qui peut tout à fait être lu indépendamment – et se laisseront séduire termineront probablement leur lecture avec l’envie de goûter aux autres volets de cette vaste fresque familiale.
Estelle PIRAUX
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