Dans les replis du papier

Jean-Marc CECI, Monsieur Origami, Gallimard, 2016, 157 p., 15 €/ ePub : 10.99 €  ISBN : 978-2-07-019772-9

ceciEn cette rentrée littéraire automnale où les publications affluent, le livre de Jean-Marc Ceci tombe comme une double surprise. Surprise inhérente à tout premier roman : personne (à part peut-être ses proches) n’attend l’auteur d’une première œuvre. Mais surprise, surtout, de découvrir ce Monsieur Origami par lequel Ceci entre en littérature – et à l’enseigne des éditions Gallimard, qui plus est.

L’histoire est ténue. Parti en quête de la femme qu’il aime, Maître Kurogiku quitte le Japon et s’installe en Italie, dans une maison abandonnée où, solitaire, il pratique l’art ancestral de l’origami sur du papier, le washi, qu’il fabrique lui-même – d’où le surnom de Monsieur Origami qu’on lui donne alentour. Il y reçoit un jour la visite de Casparo qui s’installe auprès de lui pour dessiner, parler, et aussi se taire. Régulièrement, une intrigue secondaire vient interrompre la narration – si toutefois on peut qualifier d’intrigue ces quelques brefs paragraphes qui exposent, sur le mode factuel, le cheminement vers l’inscription de l’origami au patrimoine immatériel de l’humanité.

À l’instar de ses personnages – « Casparo et Maître Kurogiku se taisent souvent ensemble » –, le roman de Ceci, d’une concision extrême, progresse autant par ses silences que par ce qu’il donne à lire. C’est que dans Monsieur Origami, la forme épouse parfaitement le contenu. Le ressassement des mêmes formules embrasse la vie répétitive, ritualisée, de Kurogiku et son hôte. Les phrases courtes, dénuées d’affect, offrent un écho à l’attitude de ce Maître Kurogiku, dont l’une des activités principales est l’observation méditative de ces morceaux de papier qu’il a pliés avec art. L’écriture dépouillée dégage une étrange poésie, qui contamine aussi les passages plus didactiques d’un roman qui n’hésite pas à expliquer les plis et replis de l’art de l’origami (« L’origami ne connaît que deux plis./ Deux./ Le pli vallée. Et le pli montagne. »)

Avant d’être un maître de l’origami, Monsieur Kurogiku est d’abord un fabricant de papier, qui vend sa production de la moins bonne qualité et se réserve les plus beaux papiers pour les plier, puis les déplier et observer la trace, unique et inimitable, que chaque pliure a laissée sur le washi. Hors de la mode, hors de la logique économique, seulement en quête de beauté : le roman de Jean-Marc Ceci est de la trempe de son héros.

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