Tiens bon la barre, matelot !

Un coup de coeur du Carnet

Veronika MABARDI, Adèle, Lansman, 2016, 42 p., 10 €   ISBN : 978-2-8071-0112-8

mabardiAdèle revient dans le village de pêcheurs de sa grand-mère Maria, là où elle a passé toutes ses vacances scolaires. Ce village a vu naître tous ses jeux d’enfant, ainsi que cette infaillible relation entre une vieille femme et sa petite-fille. Ce village est aujourd’hui déserté de ses pêcheurs et de ses âmes, la ville les ayant tous appelés. Adèle ne sait plus très bien où elle en est. Un homme, Nicolas, traîne dans sa tête. Le fruit de leur amour grandit dans son ventre. Doit-elle garder ce petit être alors qu’elle ne rêve que de partir en mer ? De mener une vie d’aventurière à travers vents et marées comme son héroïne d’enfance, la pirate Anne Bonny ? Après tout, les femmes n’ont peut-être pas leur place parmi les matelots. Et que faire de Nicolas ? L’attendrait-il tout en dessinant le fil des jours comme Pénélope cousait en attendant Ulysse ? Lui-même n’est-il pas tout aussi perdu depuis qu’il a rencontré sur les routes des naufragés de la vie ? Adèle cherche des réponses auprès de sa « Maria de la mer », aujourd’hui disparue, ainsi qu’auprès de La Vagabonde, l’épave de son grand-père René. Les fantômes de la vieille femme et du vaillant navire sont omniprésents.

Veronika Mabardi fait s’enlacer sans cesse le présent et le passé, le réel et le rêvé. Les souvenirs d’enfance se mélangent aux questionnements présents. Des bribes d’anciennes conversations rencontrent des dialogues imaginés avec feu sa grand-mère, des passages d’aventure d’Anne Bonny côtoient les descriptions des lieux traversés. L’auteure du récent succès Loin de Linden nous ravit une fois encore par sa prose juste et enchanteresse, par un univers quotidien, essentiellement féminin, aux accents pittoresques. Elle nous donne à voir un retour aux sources nécessaire. Revenir sur les traces de son passé pour trouver les bonnes réponses. Faire la liste des éléments qui comptent ou ont compté pour retrouver les mots et réussir à les adresser non plus à une morte mais à un nouvel être en devenir.

Émilie Gäbele